Archives du Théâtre 140

La Dernière Heure

06-11-1963

Programme copieux pour la première saison du « 140 »

dont l'inauguration est fixée au 12 novembre

Là où, aujourd'hui, on ne trouve que des gradins de béton, des murs fraichement chaulés, un plafond dont les orifices « ad hoc » sont toujours vierges de tout projecteur, et un cadre de scène béant, on a quelque peine à imaginer que seront frappés, dans une semaine, les trois coups annonçant le premier spectacle d'un nouveau théâtre.

— Et pourtant, cela sera! Nous a affirmé M. Jo Dekmine, directeur artistique de ce nouveau théâtre, qui a à peine besoin de fermer les yeux pour imaginer l'écrin tendu de rouge, où seul tranchera le noir des 540 fauteuils et dont le rideau pourpre s'écartera sur le décor de la « Jeanne d'Arc », de Charles Péguy, spectacle choisi pour l'inauguration officielle, le 12 novembre, du « 140 ».

Car lorsqu'il s'est agi de baptiser le nouvel établissement, on n'a pas été chercher midi à quatorze heures et on a pris, tout simplement, le numéro que portera l'immeuble dans la schaerbeekoise avenue Plasky.

A quelques maisons de la place Meiser et des boulevards extérieurs, non loin de Woluwe, de Stockel, d'Evere et d'Etterbeek, le « 140 » n'entend pas se consacrer à une mission de décentralisation, accueillant à tour de rôle les compagnies qui se produisent « dans leurs meubles », que ce soit dans le bas ou dans le haut de la ville. Il prétend au contraire avoir son originalité propre et, pour ce faire, M. Jo Dekmine c'est efforcé de mettre sur pied un programme différent de ce que l'on voit ailleurs.

Mais alors, dira-t-on peut-être, pourquoi avoir choisi la « Jeanne d'Arc » de Péguy pour le gala d'ouverture?

— C'est pour balayer tout de suite, nous a dit Jo Dekmine, l'étiquette d'avant-garde ou encore « de laboratoire » que l'on a accolé à mon théâtre des avant son ouverture, que j'ai tenu à commencer ma saison avec ce très grand spectacle lyrique, si merveilleusement écrit et dont Denise Bosc est l'émouvante vedette dans la mise en scène conçue pour le Vieux-Colombier par Robert Marcy.

— Et la suite de votre programme?

— Outre des séances cinématographiques, des conférences, des récitals, des prestations du Théâtre de l'Enfance, les deux grandes activités du « 140 » seront groupées soit dans le cycle « Théâtre d'Aujourd'hui », soit dans le cycle « Festival international de cabaret-théâtre ».

Comme je viens de le dire, « Théâtre d'Aujourd'hui » ne signifie nullement « Théâtre-laboratoire ». Je n'ai contracté en matière de théâtre — explique Jo Dekmine — que des spectacles aboutis, résolument modernes (ou dans l'écriture, ou dans le montage) dont j'ai pu vérifier les qualités techniques, l'autorité et la valeur. Quant au cycle I « Cabaret-théâtre », il entend faire revivre l'atmosphère que l'on trouvait, au lendemain de la libération, à La Rose Rouge, à La Fontaine des 4 Saisons, à l'Ecluse et aux Trois Baudets, où sont nés des spectacles fascinants. Chaque programme emportera plusieurs numéros, non pas présentés de façon empirique, mais réunis en un tout cohérent et bénéficiant d'un minimum de mise en scène.

LES PREMIERS PROGRAMMES

En principe, le « 140 » programmera chaque mois : deux spectacles de la série « Théâtre-d'Aujourd'hui » avec trois représentations, les mardi, mercredi et jeudi, et quatre spectacles de week-end (jeudi, vendredi et samedi ou vendredi, samedi et dimanche) avec à l'affiche un programme plus divertissant.

Voici au demeurant comment se présenteront les premières affiches.

Après la « Jeanne d'Arc » de Péguy (12, 13 et 14 novembre), Jo Dekmine nous apportera en primeur — et exceptionnellement pendant neuf jours, du 13 au 24 novembre — le « one man show » de Dimitri, le clown d'Asona à propos duquel on cite, réunis, les noms de Grock, de Chaplin et de Marcel Marceau. Poète, musicien, mime et chanteur, Dimitri doit être, pour Jo Dekmine, la grosse révélation de la saison bruxelloise.

Du 28 au 30 novembre, un seul programme réunira Jacques Douai, Roger Riffart, Sébastien Marotto à la guitare flamenco et plusieurs représentants de cabarets du Panthéon.

Du 2 au 8 décembre, on pourra assister quotidiennement à « One evening of British Rubbish », sorte de spectacle branquignol, à la sauce anglo-saxonne .. avec (mauvais) sous-titres français sur des pancartes!

Les 11, 12 et 13 décembre, Roland Dubillard viendra jouer lui-même, comme il le fit à Paris, sa pièce « Naïves hirondelles », avec ses camarades de la Compagnie Arlette Reinerg.

Du 16 au 19 décembre, le Théâtre de l'Alliance, de Maurice Sévenant, dont le « 140 » sera désormais le quartier général, s'y produira dans « Les deux gentilshommes de Vérone », de Shakespeare.

Les 27, 28 et 29 décembre, ainsi que la nuit du Nouvel An, un « Insolite Crazy-Show » réunira ballet, chanson, jazz, court-métrage, catch... et un assemblage riche en contrastes et sans prétentions... apparentes.

Du 13 au 19 janvier : nouvelle prestation du Théâtre de l'Alliance avec « On ne sait comment », de Pirandello, dont ce sera la création en Belgique.

Les 22, 23, 24 et 25 janvier : récital Léo Ferré, que Jo Dekmine révéla jadis à Bruxelles en sa « Tour de Babel ».

Le troisième programme Théâtre de l'Alliance sera : « Même moi, malgré vous », une sorte de spectacle « total », d'après « Elckerlijc », de Petrus Van Diest.

DE FEVRIER A MAI

Sans que les dates en soient à présent rigoureusement déterminées, Jo Dekmine présentera suite, de février à fin mai:

Le Théâtre de la Huchette. Nicolas Bataille, dans « … », de David Guerdon. Théâtre de l'Etuve, dans « vengeance d'une orpheline russe drame inédit du douanier Rousseau; la Compagnie … dans « Midi moins cinq », de Sternberg, dont ce sera la création avant Paris; le Théâtre de Plaisance, dans « La Farce » de Wahekatcha; le Théâtre Coin avec Olivier Hussenot, dans « Manivelle » et « Architruc » de Robert Pinget; le Player's Theatre de Londres; ainsi que les récitals de Germaine Montero, Barbara, Vaucaire, Catherine Sauvage, Anne Sylvestre, Serge Gainsbourg, Jean Ferrat, etc ...

R.P.