Archives du Théâtre 140


'British Rubbish' ou un théâtre anglais en folie



LE SOIR

4-12-1963

AU « 140 »

« BRITISH RUBBISH »

ou un théâtre anglais en folie

Cela tient de la blague de potache, des clowneries de cirque, de la revue de carabins, des premières loufoqueries des Branquignols, de la liesse ponctué de pétards du 14 juillet et de la... Saint-Verhaegen. C'est bruyant, débridé, complètement farfelu, plein de mauvais goût voulu, mais aussi d'inventions ahurissantes. Bref, c'est du pur non-sense. Personnellement, j'ai bien ri (et la majorité des spectateurs aussi). Mais je comprends fort bien que des gens, pourtant doués du sens de l'humour, restent de marbre et pensent en leur for intérieur « C'est stupide! »...

British Rubbish pourrait se traduire par « Déchets anglais ». Et il y en a effectivement sur la scène! A force de casser des œufs, de répandre de la farine, de s'asperger d'eau, de déverser du charbon, d'allumer des feux de Bengale et de faire exploser un nombre extravagant de pétards, les acteurs arrivent rapidement à faire ressembler le plateau à un vaste rubbish, c'est-à-dire à une manière de poubelle géante.

D'autant plus qu'ils amènent sur les planches un matériel aussi invraisemblable que monstrueux. Il y a un chameau grandeur nature (qui se déleste de topinambours quand on actionne sa queue!), des robots qui font des bulles et qui se déglinguent, un canon lanceur d'homme, des postes de radio qui se disloquent, un tapis de fakir, un laboratoire de chimie ambulant, un « grand bi », (vous savez cet ancêtre du vélo) qui devient… musical quand il est raccordé à un appareil électrique inidentifiable, et une kyrielle d'instruments de musique de fantaisie que l'on casse avec un plaisir toujours renouvelé.

Car on démolit beaucoup dans ce spectacle! Quand un comédien juge

qu'un de ses partenaires exagère (!), il lui fracasse une bouteille sur le crâne. Une vraie bouteille, dont on voit les morceaux de verre voler à travers la scène! Et tout peut servir de matraque : un violon ou un pied de table, une éprouvette ou une cartouche de dynamite.

Faut-il dire qu'il est impossible de décrire ce show? Voilà un exemple du genre de gags que l'on y trouve. Un grenadier de la garde joue du tambour. Mais son grand bonnet à poils lui obscurcit tellement la vue qu'il ne distingue pas ses baguettes et qu'il en envoie une dans les cintres. Il attend qu'elle retombe, tâtonne dans les airs à sa recherche, comprend qu'il ne la retrouvera pas. Et il prend la seconde baguette entre ses mains, la casse en deux morceaux et continue à jouer du tambour comme si de rien n'était. Tout le reste est à l'avenant...

Cinq hommes — barbes rousses, barbes brunes, barbes noires, mais toujours typiquement britanniques — et une femme (qui a du génie pour jouer et chanter faux) animent ce spectacle inénarrable, importé du « Comedy Theatre » de Londres. Ils parlent beaucoup l'anglais, très peu et très mal... le français. Il vaut sans doute mieux connaître la langue de Shakespeare si l'on veut saisir dans le détail leurs affolantes parodies d'airs célèbres. Mais ce n'est pas indispensable pour s'amuser de leurs pitreries insensées. Elles sont tellement éloquentes...

André PARIS.

Auteur André Paris

Publication Le Soir

Performance(s) An Evening of British Rubbish

Date(s) du 1963-12-02 au 1963-12-08

Artiste(s) The British Rubbish

Compagnie / Organisation