Archives du Théâtre 140


Bruxelles va subir à nouveau les 'British Rubbish'



Le Soir Illustré

2-4-1964

Bruxelles va subir à nouveau les « British Rubbish »

Ils ont trouvé un prénom, et cela les ennuyait d'en chercher d'autres. C'est pour cela qu'ils s'appellent tous Albert. Ce sont les « Alberts », gentlemen de loisir, excentriques indépendants, inconscients et désorganisés, Britanniques jusqu'au bout des ongles douteux et des poils roux. Ils sont et se veulent « British » comme l'Empire, l'humour, le lion et le flegme. Mais ils sont aussi « Rubbish », ce qui se traduit par « ordures » ou encore « saletés »...!

Les « British Rubbish » sont déjà venus au « Théâtre 140 » donner quelques représentations démentes et triomphales. Ils ont plu. Ils vont revenir. Dans les premiers d'avril.

Chaque soir, ces cinq personnages se trouvent sur une scène pour consciencieusement vider des poubelles, cracher en l'air, faire des rots ou gâcher du plâtre, devant des spectateurs qui ont payé pour assister à toutes ces opérations.

A la ville comme à la scène, ils sont habillés de velours râpé, coiffés de chapeaux défoncés. Ils ont des poches aux genoux et sous les yeux. Et dans les poches de leurs costumes, d'invraisemblables collections de bouts de ficelle, de morceaux de fer et de vieux papiers dont ils font un effarant usage. A la ville, personne ne paie pour voir ce qu'ils font. Au contraire, leurs voisins se cotisent entre eux et leur offrent de l'argent pour qu'ils aillent se faire pendre ailleurs. Mais comme ils n'habitent pas ensemble, l'action des voisins s'éparpille. Alors, les Alberts, bons princes, invitent leurs voisins au music-hall. Et là, les bonnes gens constatent que leurs extravagances sont choses admirables, puisqu'on les applaudit. Il ne leur reste alors qu'à se féliciter d'avoir des voisins si plaisants...

Professor Bruce Lacey est le chef de file du petit groupe. Il doit beaucoup à ses parents et le reconnaît volontiers. Il leur doit la vie, tout d'abord, mais cela, c'est assez banal. Il leur doit surtout un merveilleux, utile et inhabituel prénom : en effet, s'il est « Professor », c'est parce que M. et Mme Lacey ont rencontré un prêtre compréhensif qui a accepté de donner ce prénom à un bébé qui ne pouvait d'ailleurs protester. Plus tard, cela l'a dirigé vers la recherche : il ne se passe pas de jour, dans le quartier faubourien où il habite, sans que quelque explosion, inondation, incendie ou éboulement ne vienne témoigner de son infatigable esprit d'invention. Ce don de la nature, Professor Bruce Lacey le consacre uniquement aux plus déshérités d'entre les êtres. C'est ainsi que, dernièrement, il a mis au point un sonotone blagueur pour sourds à l'esprit chagrin! N'est-ce point là l'indice d'un cœur tendre et compatissant? Par ailleurs, Professor Bruce Lacey fait aussi la joie des brocanteurs et des chiffonniers : il est le plus important acheteur d'objets cassés et ébréchés du comté de Londres!

Deux autres membres de la formation sont frères. Ils s'appellent Douglas et Tony Gray. L'un habite sur une péniche, l'autre à Cambridge. L'un a une mère, l'autre une femme. L'un collectionne les tickets d'autobus, l'autre les chiens et les enfants (il en a neuf en tout). Le quatrième British est Irish, comme le coffee. Sa passion, c'est la guitare. Il en casse et en piétine au moins une par jour. Et, avec les débris, il en confectionne de bien plus belles, pleines de cordes... Les Beatles se fournissent chez lui, prétend-il. Quant à Young Tom Parkinson, le cinquième de la série, il attend avec impatience d'avoir quelques années de plus : il voudrait s'appeler Old Tom Parkinson.

Enfin, il nous reste à vous présenter le petit dernier de la bande, qui répond au joli prénom de Peter pour les dames, et qui, pour la police, est Peter Crofton Sleigh. On sait peu de choses sur lui. Mais qui s'en plaindrait? Pas vous en tout cas, qui avez attendu parfois si longtemps — nous avons de vieux et fidèles lecteurs! — sans rien savoir de Peter Crofton Sleigh. Et qui ne vous en portiez pas plus mal!...

M. Lk.

Auteur M. Lk.

Publication Le Soir Illustré

Performance(s) An Evening of British Rubbish

Date(s) du 1964-04-01 au 1964-04-11

Artiste(s) The British Rubbish

Compagnie / Organisation