Archives du Théâtre 140


Au théâtre 140: 'Hilarious', évocation d'une soirée à Soho où le meilleur voisine avec le pire



La Lanterne

-

AU THEATRE 140 : « Hilarious », évocation d'une soirée à Soho où le meilleur voisine avec le pire

Cette soirée à Soho, que présente sur son plateau « le Théâtre 140 » (Soho, rappelle le programme, c'est-à-dire de Londres des petits music-halls de tradition victorienne, des employés de banque en chapeau melon, des peintres fous, des étudiants nihilistes et des clients rubiconds des pubs de Fleet Street), mais elle comporte le meilleur et le pire tout à la fois, le meilleur quelquefois gâché par le pire.

Elle comporta deux parties.

Dans la première, le pire a dominé, parfois compensé par le meilleur. C'est le contraire dans la seconde, où, de temps à autre le meilleur est compensé par le pire.

Parmi les artistes participant à cette évocation de « Soho by night », il y a notamment la chanteuse Holly Doone « qui, nous avait-on dit, détaille le répertoire caf' conc' de la grande époque bourgeoise victorienne et les chansons sophistiquées ». A l'entracte; il m'a fallu demander en laquelle des deux dames qui s'étaient produites au cours de la première partie il convenait de reconnaître cette Holly Doone dont faisait « tout un plat » un programme assez vague pour ne pas permettre au spectateur de s'y retrouver. Etait-ce la ravissante fille dont le sourire et les fossettes constituaient tout le talent, ou cette dame imposante mais accusant, au cours de chansons accompagnées par le jazz style Nouvelle-Orléans « The Temperance Seven », un tempérament de tonnerre de Dieu.

Las! C'était la jolie fille sans talent. L'autre, dont le programme ne mentionnait même pas le nom, s'appelle Béryl Bryden. Ne l'oubliez pas. Dans le genre, c'est une grande artiste.

Pour les « Temperance Seven » (deux d'entre eux figurent sur la photo), ce sont d'excellents musiciens et leur style est fort bon. Mais pourquoi, diantre, les gags dont ils croient devoir assortir leurs interprétations sont-ils si lents, si appuyés, laissant voir leur mécanisme aux moins perspicaces, au lieu d'être lancés au public avec cette rapidité, avec aussi ce sérieux irrésistiblement drôle qui signalait la manière, par exemple, des admirables « British Rubbish »? Pourquoi même faut-il que, parmi leurs cocasseries d'elles-mêmes laborieuses déjà, se glissent des traits du goût le plus douteux, tel ce retour des soldats de l'armée des Indes, des soldats illustrés par Kipling qui, étant pour la guerre, en reviennent misérables, éclopés, portant de sanguinolents bandages?

Peut-être ils trouvent cela drôle. Qu'ils me permettent de leur dire que c'est de la drôlerie au moins pénible.

A cette soirée à Soho, participe encore Ilona Illes. Une personne assurément bien « roulée ».

Elle se rétend danseuse, cette grande fille en collant noir. Elle a raison de le dire. Car, à la voir, on ne s'en douterait pas.

Elle entra en scène en ayant l'air de s'interroger sur ce qu'elle va y faire. Elle y lève alternativement l'une et l'autre jambe sans avoir l'air de savoir pourquoi. Quand elle quitte le plateau, c'est au tour du spectateur de se demander ce qu'elle y est venue faire.

Mais voici, heureusement, que j'ai gardé pour le dessert, du très bon. Le numéro de prestidigitateur délibérément maladroit de John Lowe qui a, lui, le rythme et l'air « de ne pas y toucher » qui est essentiel à l'humour britannique. Et les monologues savoureux en un français excellent débité avec un accent drôle, où un Russe raconte la visite qu'il a faite à Paris, où est évoquée, sur le ton de la bouffonnerie, la manière dont un Anglais peut aller à la conquête de l'univers, où est proposée une interprétation saugrenue de la scène de la tétralogie wagnérienne au cours de laquelle Siegfried révaille Brunnhilde, la Walkyrie.

Robert CHESSELET

Auteur Robert Chesselet

Publication La Lanterne

Performance(s) Hilarious - One Evening in Soho

Date(s) du 1964-12-17 au 1964-12-31

Artiste(s) The Temperance SevenThe Watermans Arms

Compagnie / Organisation Players Theatre