Archives du Théâtre 140


Le Living Theatre de New York



THEATRE 140/INFORMATIONS

Saison 64/65

LE LIVING THEATRE DE NEW YORK

Histoire d'une compagnie

Le Living theatre, une des plus anciennes compagnies du "Off-Broadway" à New York, est né en 1946 à l'initiative de Judith Malina et Julian Beck. Pendant quatre ans, les directeurs réunirent acteurs et techniciens devant forcier la compagnie qui fit ses débuts en 1951.

A cette époque un certain nombre d'écrivains, de musiciens et d'éminents représentants de tous les arts désiraient créer un théâtre où se joueraient des spectacles usant de techniques de scène essentielles.

Le premier spectacle présenté fut "Doctor Faustus Lights The Lights" de Gertrude Stein.

Après avoir assisté à une représentation, William Carlos Williams écrivit aux directeurs : "Je me promène dans les nuages; c'est le résultat de ce que j'ai vu et entendu à votre théâtre Cherry Lane ce dernier soir… C'était merveuilleux, une expérience dont il fallait être témoin. Votre théâtre est tellement supérieur au niveau habitue que je tremble à l'idée qu'il pourrait s'affaiblir et disparaître. Je souhaiterais pouvoir vous donnez un million de dollars. Puissiez-vous avoir beaucoup de succès."

Le Living Theatre présenta ensuite "Beyond the Mountains" de Kenneth Rexroth. Suivit "An evening of Bohemian Theatre" composé de "Desire" de Pablo Picasso, "Ladies voices" de Gertrude Stein et "Sweeney Agonishes" de T.S. Eliot. Le spectacle surprit la critique mais tint l'affiche pendant quatorze semaines, établissant ainsi une sorte de record pour "Off Broadway" à cette époque.

En août 1952 ce fut "Ubu Roi" d'Alfred Jarry, introduit par un lever de rideau de John Ashbery "The Heroes".

L'usage de mots choisis dans un Anglo-Saxon brutal et certaines références cliniques à l'amour homosexuel, incitèrent les censeurs à intervenir et - coïncidence - le théâtre fut fermé par le Département d'Incendie après trois représentations accueillies avec enthousiasme.

Pour quelques années, le Living Theatre dut s'établir dans un grenier dans la "lOOth Street" à Broadway. Complètement démuni d'argent, avec un rideau assemblant les restants de tissu des costumes d'"Ubi Roi" et des chaises recoltées à travers toute la ville, le théâtre fut reconstitué et ouvrit en mars 1954 avec "The age of anxiety" de W.H. Ouden.

La saison 54-55 débuta avec "Orphée" de Jean Cocteau: un choix parfaitement judicieux puisque c'est avec cette brillante représentation que le théâtre accrut son audience. Suivirent "The Idiot King" de Claude Frederick, et la pièce de Pirandello "Ce soir on improvise".

La première aventure classique se fit avec "Phèdre" de Racine. C'était la première fois que Racine était interprété à New York par une troupe professionnelle. A la demande du public, les représentations furent prolongées à deux reprises.

Il fallait cependant trouver un théâtre capable de recevoir un plus vaste public. Après de longues recherches, le Living Theatre trouva une nouvelle maison au coin de la 14th street et de la 6th avenue. C'est là que les directeurs espérèrent réaliser leur rêve en présentant dans le répertoire des pièces en vers d'auteurs contemporains.

Le 13 janvier 1959 le nouveau théâtre s'ouvrait officiellement avec une comédie en vers de William Carlos Williams "Many Loves". La pièce fut bien accueillie par le public et la critique. Henry Herves dans le Saturday Review louait non seulement la pièce mais écrivait au sujet de la troupe :"...leur production a d'habitude éveillé la curiosité de l'auditoire même quand la majorité des spectateurs secouaient la tête. Puisque secouer la tête vaut mieux que tomber assoupi, le Living Theatre promet d'être une force vitale valable dans le futur "Off Broadway".

En été 1959 vint s'inscrire au répertoire la pièce de Jack Gelber "The Connection". Le sujet (jazz et héroïne) et la sincérité dans la manière et le style de l'auteur s'aliénèrent les premiers critiques de la presse qui méprisèrent la pièce qu'ils trouvaient insultante, de mauvais goût et dépravée. En temps ordinaire les représentations auraient cessé la première semaine. Mais le système du répertoire leur rendit la vie. "Many Loves" qui trouvait toujours un public, aida "The connection" à survivre jusqu'au moment où la presse commença à s'y rallier avec force.

Une victoire avait été gagnées la pièce allait se placer dans la catégorie de choc.

Les directeurs du Living Theatre découvrirent eux-mêmes, avec trois pièces au répertoire, tout ce qui avait une action directe sur le théâtre, entre les acteurs et le metteur en scène et l'auteur, pièces qui toutes les trois englobent le public en lui demandant presque d'y prendre part. Il n'entre pas dans le programme du "Living Theatre" d'utiliser ce "procédé"; mais, apparemment il existe une nécessité pour une partie des écrivains modernes de trouver certains moyens en rendant le public impliqué et sérieusement concerné par l'action, secoué, ému, jusqu'à ce que les spectateurs eux-mêmes découvrent l'excellence et le rituel, non en observateurs mais en participants sincères.

Le Living Theatre est à la recherche d'un style quoique chacun qui a vu une production du Living Theatre puisse témoigner qu'un style a déjà été trouvé.

Infatigablement de nouvelles techniques constamment découverte et parfois écartées, sont expérimentées pour permettre de créer une scène où les poètes et les artistes peuvent communiquer avec un public qu'ils aiment.

Quoique dise la critique, le Living Theatre n'a jamais été sans intérêt ; ses représentations sont toujours attrayantes, aucun spectateur ne peut nier qu'une visite à cette compagnie est comme une aventure.

Après avoir créé à Bruxelles, au 140, à l'initiative de l'A.D.A.C. "The Brig" de Kenneth Brown en novembre dernier, le Living Theatre prépare une tournée à travers les principale capitales européennes (Rome, Munich, Athènes, Budapest, Sofia, Amsterdam et Paris).

Le répertoire de cette tournée comprendra notamment "The maids" (les bonnes) de Jean Genet, "The Brig" et "Mysteries" un" happening que le Living Theatre créera au théâtre l4O du 5 au 13 février 1965.

Auteur

Publication [typoscript]

Performance(s) The Brig

Date(s) 1964-11-07

Artiste(s) Kenneth Brown

Compagnie / Organisation The Living Theatre