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Au Théâtre 140: une ennuyeuse 'Imprécation' et une farce grinçante, 'Le Virage'



La Lanterne

?-4-1965

AU THEATRE 140 : une ennuyeuse « Imprécation » et une farce grinçante, « Le Virage »

C'est la première fois, a-t-il été affirmé, que des pièces du dramaturge allemand Tankred Dorst sont jouées en langue française.

Cela sa passe au « Théâtre 140 » (140 avenue Plasky) et les pièces, deux pièces en un acte, c'est « Le Virage » et c'est « La grande imprécation devant les murs de la ville ».

Parlons d'abord de celle-ci bien qu'elle soit interprétée en second lieu.

Parce que l'on désire en avoir fini le plus tôt possible avec cette oeuvre qui est une manière de chef-d'œuvre dans le désobligeant secteur des navets.

En voyant cette femme réclamer à l'empereur de Chine, par le truchement de deux officiers, l'un gras et l'autre maigre, le retour au foyer de son mari engagé dans l'armée. En la voyant forcée par les deux officiers agissant sur l'ordre de l'empereur, de revivre l'existence qu'elle vécut avec son mari en compagnie d'un soldat qui ne la connaissait pas et qu'elle ne connaissait point davantage mais qu'elle a désigné au hasard comme étant son mari parce qu'elle a envie d'avoir un homme à la maison — comme c'est convaincant — on s'est demandé longtemps quel sens pouvait bien avoir avoir l'apologue.

Pour s'apercevoir que l'auteur n'avait cherché qu'un prétexte, n'importe lequel, à vitupérer, au cours de la scène finale, les nantis abrités derrière leur muraille de Chine, derrière en somme leur égoïsme. Eh oui, tant d'histoires dénuées d'intérêt pour retrouver le patronage marxiste en compagnie d'un sous-Brecht (et Brecht est déjà, d'après moi, si ennuyeux).

Et des procédés tel celui, distanciation en sens contraire, consistant à faire incarner les personnages qui étaient intervenus avant le départ du mari pour l'armée, dans la vie du ménage évoqué par les deux officiers témoins qui s'en sortent comme s'ils n'avaient fait que cela toute leur vie. D'après le texte de la pièce. Pas dans le fait, étant donné que MM. Jacques Hilling (l'officier gras) et Jean Mauvais (le maigre) font assaut de médiocrité avec Mma Henia (la femme) et M. Jean-Claude Rolland (le pseudo-mari) devant une muraille qui consisterait un excellent décor si des

éclairages plus subtils autorisaient le spectateur à se faire des illusions sur la qualité des matériaux qui ont servi à sa construction.

A ce ratage, on a préféré, de beaucoup, « Le Virage », farce grinçante, amère, où l'on rencontre deux personnages vivant de la vente des voitures venant s'écraser sur le rocher situé au tournant tout proche d'une route mal tracée. Pas de prêchi-prêcha là-dedans, c'est déjà considérable. Et c'est beaucoup mieux joué que l'autre pièce par MM. Hilling, Mauvais et Roland dont les personnages, il est vrai, étaient ici plus consistants.

Que la pièce ait des défauts, qu'elle bavarde souvent, c'est certain. Et que la mise en scène due comme l'autre à M. Moshe Naim, présente des erreurs (amener la carcasse de l'auto démolie sur le plateau, prétendre que Rudolf y travaille mais le rendre invisible pendant toute la conversation que son frère Anton a avec la pilote de la voiture accidentée qui a échappé par miracle à la mort), c'est évidemment d'une grande maladresse. Il était si simple de la laisser en coulisse, la carcasse de l'auto.

Le décor est réussi. Comme la muraille dans l'autre pièce, il est de M. René Lambert. Les textes français sont de Mmas Marianne Szemyel et Simone Hilling pour « Le Virage », de M. Gaston Jung pour « L'Imprécation ».

Robert CHESSELET

Auteur Robert Chesselet

Publication La Lanterne

Performance(s) "Le Virage; La Grande Imprécation devant les murs de la ville"

Date(s) du 1965-03-25 au 1965-04-10

Artiste(s) Tankred DorstEnsemble Théâtral de ParisMoshe Naïm

Compagnie / Organisation