Archives du Théâtre 140


Premier festival international de jazz



La Libre Belgique

17-10-1965

Au theatre 140 et de l'Alliance

Premier festival international de jazz

Jo Dekmine, le dynamique directeur du « 140 » a réalisé un vieux rêve : mettre sur pied le premier festival international de jazz à Bruxelles dans — complication supplémentaire — une salle de théâtre! Voilà donc qui est fait puisque l'avant-premiere de ce festival a eu lieu jeudi soir avec un succès que ne mitigèrent, exclusivement, que quelques ennuis d'éclairage et un retard de 25 minutes sur le « meilleur horaire » tandis que la véritable inauguration de ce festival eut lieu vendredi soir avec tout le lustre souhaité par son créateur.

Tout est parti, déclare Jo Dekmine, d'une idée de « jazz-ballet », c'est-à-dire une rencontre de danseurs et de musiciens également fascinés par ce domaine nouveau, cet autre métier merveilleux avec lequel il fallait compter... » Ce qui permettra au public dit de jazz de faire connaissance avec une dimension nouvelle de cet art musical porté, hélas, à un degré d'intellectualité regrettable. Ce défaut a été une fois encore fortement mis en relief par les exécutions de divers morceaux, fort bien composés et tout aussi bien exécutés par un ensemble formé par Michel Roques, Jean-Claude Lubin, Jacques Thollot, Jacques Peltzer et Benoît Quersin.

On peut aimer ou ne pas aimer cette décoction d'un jazz qui est infiniment plus obscur pour ses « fans » qu'il ne l'est dans les styles simples et mélodieux bien connus, tels le Chicagoan, le blue, etc. Là n'est point la question. Tout art comporte sa part d'hermétisme, sa part de rêve, sa part de concret aussi. L'ensemble pré-j; rappelé joue avec une homogénéité ; totale et, par moments, Roques et Peltzer se trouvent ou se retrouvent dans des épousailles rythmiques et mélodiques absolument éblouissantes; encore est-il que ces moments sont trop rares pour combler véritablement l'amateur de vrai jazz, celui qui sait faire la différence entre le bruit et la musique.

Lorsque cet ensemble espère se fondre avec les élucubrations callisthéniques de danseurs et de danseuses assurément excellents mais peu convaincants dans le choix de leurs moyens plastiques, peut-être la démonstration manquera-t-elle son effet. Peut-être aussi fallait-il la réaliser afin de permettre au « jazz-ballet » d'avoir un jour, plus tard, de véritables lettres de noblesse. Ce sera à l'honneur de Jo Dekmine d'en avoir été le père spirituel.

La seconde partie du programme a permis d'admirer la virtuosité du vibraphoniste noir Walt Dickerson dans trois morceaux qui, sur le plan jazz, ne valaient pas tripette. La seule mention à donner à propos de cette partie s'applique uniquement à l'extraordinaire accompagnement de Jacques Thollot aux drums. Ce remarquable batteur gagnerait encore s'il consentait à se faire couper les cheveux, cela uniquement sur le plan visuel pour le public car sa tignasse n'engage pas son talent. Le genre beagle est tellement dépassé…

Rappelons que jusqu'au 18, on entendra le même programme. Le vibraphoniste sera alors remplacé du 19 au 21 par Nedley Elstak et Dexter Gordon, trompette et sax-tenor tandis que toute la journée du 17 sera consacrée à Memphis Slim.

A. L.