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Le cabaret imaginaire



La Libre Belgique

15-11-1965

AU THEATRE 140

Le cabaret imaginaire

L'amateur d'humour doit se précipiter ces jours-ci au Théâtre 140 (avenue Plasky) pour aller voir Maurice Baquet. On le connaissait par ses films, mais rien ne vaut la présence du célèbre comique qui s'est fait applaudir à Moscou comme à Las Vegas ou à Stockholm par des sketches qui sont, dans le domaine du rire, ce qui peut se faire de plus raffiné, de plus sensible, de plus intelligent. Ce petit homme est un grand artiste, dont le violoncelle est aussi inséparable que de Chaplin la canne et les godasses. H en joue d'ailleurs avec une virtuosité qu'explique le premier prix qu'il remporta au Conservatoire de Paris et qu'apprécient les musiciens avertis, et notamment Pablo Casals. Il ne se paie guère de mots : tout est dans ce qu'il montre, et on n'imagine rien de plus parfait, de plus efficace, et rien non plus présenté avec plus de simplicité et de gentillesse. Maurice Baquet à Bruxelles — drôlerie et intelligence portées à leur sommet, c'est à lui un seul, un spectacle qu'on ne peut pas manquer.

On n'en dira pas autant du reste de la soirée intitulée par Jo Dekmine « cabaret imaginaire » et qui s'avère inégale. Colette Rival, qui remplaça au pied levé « les mannequins O et A > a encore tout à apprendre, si tant est qu'elle y parvienne. Jean-Paul Sèvres nous a donné un excellent monologue (la première apparition en public d'une nouvelle « idole »), mais d'autres « histoires » de sa composition ne passèrent pas la rampe — trop sophistiquées, peut-être? Son talent toutefois contient des promesses qu'on souhaite voir s'affirmer un jour. Le clown Scotch a pâti du voisinage avec Maurice Baquet — et puis, que représente encore un clown au nez rouge et au veston trop long hors de l'ambiance du cirque, avec ses lumières, sa musique de fanfare, son odeur de crottin? Marino est un fantaisiste au charme triste, qui captive par un humour nuancé et un talent plus limité que celui de Baquet mais qui a du mérite, de la finesse, de la pudeur.

Nous avons moins aimé « The Ferre Grignard Skiffle Group » qui chante des blues et des avis folkloriques « blancs » du temps où les Etats-Unis se lançaient à la conquête de l'Ouest et n'étaient encore que quelques villes protestantes, patriarcales, perdues dans l'immensité des prairies traversées de buffles, d'Indiens et de chariots d'immigrants. Mais, comparé au reste, la participation de ce groupe faisait éclater une bouffée de puissante et misérable vulgarité qui se veut maladroitement « beatnik ».

Pour tous.

J.F.

Auteur J.F.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Le Cabaret Imaginaire

Date(s) du 1965-11-12 au 1965-11-21

Artiste(s) Maurice BaquetMarinoScotchJean-Paul SèvreThe Ferre Grignard Skiffle GroupAnnie PerecLes mannequins O et A

Compagnie / Organisation