Archives du Théâtre 140

Le Soir

20-12-1965

AU THEATRE « 140 »

LES « RUBBISH MUSKETEERS »

Plus désordonnés (mais moins drôles) qu'en 1963

Il y a deux ans, ce fut une manière de révélation. Le spectacle des « British Rubbish », bruyant, débridé, farfelu, ahurissant, qui tenait à la fois de la revue d'étudiants, de la clownerie de cirque, de la branquignolade et des pétarades du 14 juillet, se parait d'une fraîcheur dans le burlesque qui surprit et séduisit immédiatement le public.

Aujourd'hui, l'étonnement ne joue plus, du moins pour ceux qui connaissent ces fantaisistes anglais. Et il nous faut bien les juger par rapport à leur show de 1963. Voici d'abord une parodie sommaire, mais parfois très cocasse, des « Trois Mousquetaires » de Dumas. Les célèbres ferrailleurs du temps da Louis XIII fument des cigares géants, exécutent des danses cosaques, se battent avec des épées de bois, tandis que le duc de Buckhingham apparaît sous la forme d'une carte à jouer (un roi de coeur, évidemment...) et qu'un cou cou de la Forêt-Noire pond un œuf d'autruche. Tout cela ponctué de projections lumineuses résolument saugrenues.

La deuxième partie du spectacle, c'est une sorte de gros récital de gamineries et de clowneries. Deux acteurs font un numéro musical en frappant des cintres métalliques; dans un « zapateado » endiablé, un danseur perd un soulier puis l'autre; un phonographe antédiluvien moud une rengaine d'il y a cinquante ans, interprétée en play back par un chanteur à la denture fernandélienne; une speakerine commente un défilé de haute... et de basse couture; un illusionniste de pacotille rate son numéro; un lanceur de couteaux, myope comme une taupe sous-alimentée, abuse des combines les plus grossières; et, enfin, on assiste à une rapide parodie du « Lac des cygnes » et à une « mise en boite » du célèbre danseur russe Nouréev.

Il y a, dans cette fantaisie débridée, un côté bon enfant auquel on résiste difficilement. Mais, en même temps, on se dit qu'il est un peu dommage que le spectacle ne soit pas mieux réglé. Sur une toute petite scène ou bien au cours d'une soirée intime, donnée pour quelques amis, les ratés volontaires et involontaires de ces « Rubbish Musketeers » seraient, soit portés à leur crédit, soit excusés avec une indulgence bien compréhensible. Mais sur une scène professionnelle et dans une grande salle, le côté improvisé et débraillé des sketches, le laborieux déménagement des accessoires, l'affollement vrai ou simulé des présentateurs, l'aspect "amateur" des gags, ne sont pas toujours faits pour séduire, quelque goût que l'on ait pour le burlesque.

Il reste néanmoins que, pour ceux qui ne les ont jamais vus, ces « Rubbish Musketeers » (littéralement: les mousquetaires de poubelle) offrent l'attrait inusité du "non-sens" le plus indéniable.

André PARIS.