Archives du Théâtre 140


'Les Idoles'. Haro sur les 'usines à yé-yé'



Le Soir

5-11-1966

Au Théâtre 140

« LES IDOLES »

Haro sur les « usines à yé-yé »

Ça hurle, ça rugit, la sonorisation est poussée, sinon au maximum, du moins fort loin, on se trémousse avec frénésie, on gesticule à s'en désarticuler les bras, on tente aussi de transformer le spectacle en « happening » en provoquant délibérément le public (mais ce fut un fiasco, ce premier soir...). Et tout cela compose une espèce de parodie bouffonne et assez hystérique de la machinerie « yé-yé ». de la fabrication des « idoles de la chanson » et du lancement des « tubes ».

Les allusions sont plus que claires : aveuglantes. Et l'on met tout de suite des noms véritables sur les personnages de Charlie, un jeune bagarreur fruste qui devient le « dieu du rock » et sur Gigi, la blonde chanteuse un peu insipide qui, pour plaire à leurs producteurs et pour que la vente de leurs disques ne diminue pas, doivent jouer à devenir les « fiancés de la chanson » puis un couple légitimement uni, mais qui ne cesse de s'entredéchirer.

La satire est très inégale. Il y a des caricatures réussies, comme celles des costumes abracadabrants en cuir noir, en velours mauve ou en nylon argenté, des coiffures absaloniennes, des gestes stéréotypés, des paroles

bêtifiantes de certaines chansons. Mais d'autres apparaissent plus lourdes ou plus inconsistantes, elles sont tirées en longueur ou assez grossières (comme les interventions de l'archevêque de Paris et de Soeur Hilarité...), ou bien encore elles n'apprennent pas grand-chose sur la rivalité des idoles, sur l'affolante course au succès, sur la sottise des « fans » ou sur l'esprit moutonnier du public jeune.

Bref, on ne peut être ni résolument enthousiasmé ni complètement déçu par ce spectacle imaginé et réalisé par Marc'O (l'auteur des Bargasses de bien meilleure mémoire), qui impose une stylisation arbitraire et un ton déclamatoire à des vaillants interprètes : Philippe Bruneau (le dégingandé Charlie), Bulle Ogier (Gigi), l'amusant Jean-Pierre Kalfon (qui incarne une autre idole, mais démonétisée celle-ci), Barbouth et Michèle Moreti (le couple des producteurs) et Marie-Claude Breton.

Le petit orchestre des Roll-Sticks interprète beaucoup mieux la musique de Patrick Greussay et Stéphane Vilar que les comédiens ne la chantent. Mais vous me direz que ce n'est pas là une tâche difficile...

André PARIS.

Auteur André Paris

Publication Le Soir

Performance(s) Les Idoles

Date(s) du 1966-11-03 au 1966-11-06

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Théâtre du Bilboquet