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'Les Idoles' au Théâtre 140: ni un chef d'oeuvre ni une réussite



La Lanterne

6-11-1966

« Les Idoles » au Théâtre 140 :

ni un chef-d'œuvre ni une réussite

Ce n'est certainement pas un chef-d'œuvre, cette pièce intitulée « Les idoles », interprétée pour quelques jours au Théâtre 140, par le Bilboquet Théâtre de Paris.

Ni un chef-d'œuvre, ni même une réussite. C'est tout au plus une œuvrette fort discutable et très inégale. Car, enfin, si le monde de la chanson est bourré de combines, les auteurs de certains spectacles ne manquent pas de tirer avec plus ou moins d'astuce de très grosses ficelles.

Bien sûr, il fallait de l'audace pour s'emparer de ce sujet banal : la maffia des idoles. Il en fallait aussi, de la présomption. pour monter cette « comédie musicale » satirique. Car, si le pamphlet est parfois violent (par sa vulgarité et la pauvreté d'invention, bien entendu), il est rarement drôle. Traitée en farce, la pièce est saupoudrée de quelques vérités simplistes, épicées, comme il se doit, d'allusions plus ou moins corsées. Et il faut y ajouter une bonne dose de mauvais goût et pas mal de bluff.

Alliant le dispositif propre à un théâtre dit d'avant-garde aux déploiements du show — orchestre, micros balladeurs — l'auteur, un nommé Marco se livre à la satire d'un petit monde sans vertus. Il charge les fabricants d'idoles, et tous ceux-là qui, combinards et veules conditionner un public d'autant plus facile à séduire qu'il est grégaire. Une démystification? Oui, sans doute dans la mesure où l'imitation de ceux-là que l'auteur veut détruire serait habile et intelligente. Ce n'est pas le cas...

Marco, d'ailleurs, n'a pas cherché loin pour pimenter sa petite démonstration. Pour illustrer ses petites séquences, il a écrit des refrains inaudibles, tant la « sono » est poussée. Les rythmes sont frénétiques et, avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de deviner les fadaises débitées. On dit que cette musique a été écrite par Stéphane Vilar.

Les trois personnages sont Gigi-la-Folle, qui porte bien son nom, Charlie-le-Surineur et Simon-le-Magacien. Avides de succès, ils n'ont guère plus de prétentions. Ils sont vite dépassés par les événements, victimes de « requins », acculés aux mensonges et aux tricheries.

Pour faire plus vrai, l'auteur met en scène un couple d'imprésarios retors. Et, pour corser, il ajoute un archevêque « dans le vent », ancien curé de choc, un avocat fourbe, un fonctionnaire ridicule. Personne n'est absent de cette galerie « yé-yé ». Même pas sœur Hilarité.

Tous ces personnages, caricaturés à l'extrême — les allusions sont tellement aveuglantes — jouent donc une grande farce, sans finesse, sans poésie et sans ménagement, » Théâtre-Vérité » oblige.

Ils portent tous des costumes follement extravagants (peignoirs et lunettes solaires, complet de cuir, costume pailleté), ils gesticulent, se tortillent, jouent des pectoraux et du biceps en récitant une litanie de banalités après avoir rythmé des rengaines où toutes les rimes sont en lier ou yé.

La bouffonnerie devient vite minable. Elle rase les personnalités jusqu'à l'animalité, transforme le mariage en cérémonie grotesque et déplaisante. Bien plus encore, la bouffonnerie va jusqu'à la provocation du public. Il fut sans doute surpris, ce public, pas aussi dupe que l'auteur ne le croyait.

Bref, si le sujet est mince, la mise en scène et l'interprétation méritent quelque attention et, ici et là, quelques éloges. Conçu en deux parties inégales - la première très inférieure à la seconde — le spectacle est une enfilade de sketches qui s'enchainent sans trop de heurts. Le rythme est rapide, très rapide ainsi que l'exigeait le sujet, Barbouth et Michel Moretti sont les imprésarios rusés qui ne manquent pas d'humour.

Bulle Ogier est Gigi la Folle, dynamique et volontaire. Elle danse, elle chante avec assez de bonheur. Son interprétation est burlesque et sympathique. Philippe Bruneau est Charlie, grand gosse et grand dadais, sans personnalité. Son interprétation est assez quelconque. Reste Jean-Pierre Kalfon, franchement désagréable tant il s'écoute déclamer. Il est grossier, indécent, vulgaire et suffisant. Se prenant fort au sérieux, il joue le rôle d'un héros blasé et antipathique. Marie-Claude Breton est une « fan » enthousiaste et naïve. L'orchestre des Roll-Stick anime avec tapage la partie musicale.

Un détail encore : on pourrait sans doute reprocher aux uns et aux autres de ne pas savoir chanter. Mais la caricature a ses exigences. Le pastiche banal mène loin « jusqu'à insulter le public qui nourrit les artistes ».

A. J.

Auteur A.J.

Publication La Lanterne

Performance(s) Les Idoles

Date(s) du 1966-11-03 au 1966-11-06

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Théâtre du Bilboquet