Archives du Théâtre 140


Le conflit des 'idoles'. Un débat contradictoire entre Jo Dekmine et Marc'O



La Cité

11-11-1966

Le conflit des « Idoles »

Un débat contradictoire entre Jo Dekmine et Marc'O

Nous nous sommes déjà fait l'écho dans ces pages des remous provoqués, à Bruxelles surtout, par la présentation de la pièce de Marc'O: « Les Idoles » passée récemment sur la scène du Théâtre 140 que dirige Jo Dekmine.

On se souviendra à ce propos que lors de la représentation du vendredi 4 novembre celui-ci était intervenu personnellement pour manifester sa désapprobation vis-à-vis de la tournure prise par une des scènes d'improvisation qui émaillent l'œuvre présentée par le Théâtre du Bilboquet de Paris. Cette œuvre, il faut le souligner à nouveau, n'est pas départie de qualités qui justifiaient sa programmation dans une salle qui s'essaye à rendre compte des orientations du théâtre et des techniques d'expressions actuels.

L'intervention du directeur du Théâtre 140 a évidemment provoqué des réactions en sens divers, et particulièrement, comme on s'en doute, au sein de la troupe du Théâtre du Bilboquet qui estime que cette intervention était abusive et déplacée.

Afin de rassembler les données réelles de cette querelle, le journal estudiantin « Le Point » avait tenu hier à organiser une réunion avec la presse, réunion au cours de laquelle les deux parties en présence, Jo Dekmine d'un part et la troupe du Bilboquet et Marc'O d'autre part, ont été amenés à exposer leurs points de vue.

Pour Marc'O le problème est le suivant : un directeur de théâtre qui programme une pièce et prend donc la responsabilité de la jouer dans son théâtre, n'a pas le droit de prendre tout à coup position de façon personnelle et subjective contre cette pièce et cela contre l'accord même d'une partie de son public. D'autant plus que le risque de l'improvisation dont s'assortit la représentation était connu et accepté par contrat.

« D'accord, répond le directeur du 140, mais il est spécifié dans le contrat qui a été conclu qu'aucune atteinte contre la foi et la religion ne serait portée au cours de la représentation. » M. Dekmine souligne qu'il avait parfaitement eu conscience qu'un risque existait et qu'il croyait précisément avoir tout prévu pour en limiter certains aspects. Aspects qui pourtant se sont manifestés et manifestés par ailleurs d'une façon que rien ne justifiait, c'est-à-dire en n'étant nullement amenés par les nécessités de la pièce et dans un style de conformisme vulgaire qui déparait totalement l'intelligence de l'œuvre et ne s'inscrivait pas dans le contexte esthétique et poétique où se mouvaient les protagonistes.

« D'accord, retorque de son cote Marc'O : c'est votre avis à vous, Jo Dekmine. Si vous vouliez en faire part, il fallait venir participer à l'improvisation ce que nous aurions tous compris mais non tenter de priver le public du spectacle et prononcer en tant que directeur une appréciation d'ordre tout à fait personnel. »

— Ce n'était pas un avis personnel, c'était un avis amplement partagé par le public. D'autre part, j'ai signalé en exprimant mon avis que je ne me considérais plus comme étant dans mon théâtre estimant que la tournure prise par les choses et la façon dont le contrat en conséquence, avait été rompu m'autorisaient à retirer ma caution au spectacle.

De leur côté, les étudiants de l'INSAS qui assistaient en nombre a la réunion, ont lu un communique où ils stigmatisent « les mesures de coercition visant à limiter la liberté d'expression des comédiens et du metteur en scène ».

Quoi qu'il en soit de cette querelle sur laquelle on pourrait épiloguer, et sur laquelle on a d'ailleurs épilogué longuement, elle apparaît comme particulièrement pénible entre deux personnalités du théâtre comme Marc'O et Jo Dekmine dont le talent pour l'un et l'ouverture aux techniques nouvelles pour l'autre méritaient de s'accorder et non de se méconnaître, méritaient, en tout cas, de se désaccorder sur une cause plus importante et moins gratuite que cette parodie médiocre et salace dont l'improvisation parait, en tout cas à première vue, au moins aussi déplacée que celle d'un baisser de rideau.

Gh. C.

Auteur Gh.C.

Publication La Cité

Performance(s) Les Idoles

Date(s) du 1966-11-03 au 1966-11-06

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Théâtre du Bilboquet