Archives du Théâtre 140

Le Phare Dimanche

22-10-1967

Au Théâtre 140

L'« Antigone » de Brecht

par le Living Theatre

Nous sommes à présent familiarisés avec les moyens et les méthodes du Living Théâtre. L'expression corporelle y est poussée à son paroxysme et la provocation utilisée pour recréer paradoxalement la communion entre les comédiens et la salle. C'est selon cette optique que nous est restituée l'« Antigone » de Bertolt Brecht. Les comédiens du Living Théâtre ont eu la gentillesse d'apprendre certaines parties du texte en français, mais ce texte, une fois de plus, ne constitue qu'une trame très fine. L'essentiel, c'est la tentative de recréer un spectacle total, de composer un cérémonial souvent cruel qui se présente sous l'aspect d'une liturgie parfois longue, parfois hallucinante.

Le résultat, à titre d'expérience, est une incontestable réussite que les spectateurs du Théâtre 140 ont longuement applaudie. C'est qu'en effet, les chants, la chorégraphie et les autres moyens employés par le Théâtre de Judith Malina et Julian Beck (qui incarnaient la première Antigone et le second, de manière saisissante, Créon), à force de rigueur et de maîtrise dans l'exécution, atteignent souvent à un grand degré de puissance et de beauté.

Avec le Living Théâtre et quelle que soit notre opinion sur l'avenir de telles expériences, nous sommes en présence d'une troupe pour qui le mot « avant-garde » (si souvent galvaudé), loin de correspondre à une forme de snobisme, débouche sur une expérience vraie et marque une volonté de retrouver les sources mêmes du théâtre.

J.L.