Archives du Théâtre 140


'L'un n'empêche pas l'autre' une (trop) longue improvisation



Le Peuple

7-11-1967

Au théâtre 140

« L'un n'empêche pas l'autre »

une (trop) longue improvisation

C'est avec indulgence que nous avons suivi vendredi soir les derniers « exploits » de la Compagnie Romain Bouteille, auteur et comédien parisien qui fait, dit-on les délices des spectateurs du « café théâtre » « La Vieille Grille ».

Il s'agit avant tout d'une improvisation « collective », un peu comme en jazz, avec tout ce que cela comporte de temps morts, de balbutiements et de redites. Sur un canevas vaudevillesque, Romain Bouteille et ses amis échargent trois heures durant — pour ceux qui le supportent — des propre qui se veulent drôles, qui le sont parfois, mais qui ne résistent pas à l'ennui qui se dégage finalement de ce spectacle hybride, inconsistant et malheureusement mal interprété.

Le fil conducteur, le voici : pour suivre celle qu'il aime Michel Puterflam veut acheter l'appartement situé au-dessus de celui que Nicole Jui occupe avec son mari, Romain Bouteille.

(L'avantage du système — le seul — c'est que les acteurs jouent sous leur vrai nom, ou du moins leur nom de théâtre.)

Le mari déjoue le stratagème, une histoire de tableau sans valeur sorte d'attrape-nigaud, corse l'affaire. C'est tout. En fait, on se retrouve devant- le vieux thème : la femme, le mari, et l'amant.

Que Romain Bouteille nous pardonne : il ne fait que « rajeunir » ou « moderniser » le vaudeville traditionnel.

La nouveauté consiste à créer « sur place » des dialogues qui

au fil de l'intrigue, sont parfois amusants, voire drôles, mais qui hélas, fusent à des intervalles, décidément trop espacés. Pour un bon mot, il faut quelquefois attendre vingt ou trente répliques sans importance.

En réalité l'exercice n'est guère facile : il faut avoir constamment l'esprit en éveil et ne pas perdre de vue que tout un public attend l'occasion de rire et de s'amuser. Mais une telle performance implique des acteurs chevronnés autant que spirituels.

Et ce n'est pas le cas. Seul Henri Bouteille a le tempérament d'acteur. Les autres participent avec un « naturel » sans conviction à l'action spontanément imaginée. Nicole Jui — pièce maîtresse — est insupportable. Bile n'a ni voix ni talent. On a envie de lui souffler ses réparties.

Les canevas des jours prochains sont différents. Mais on ne nous enlèvera pas de l'idée que seul Bouteille fait le poids, que « l'exercice » pour être efficace doit fortement condensé et que l'intrigue doit présenter un intérêt plus marqué que celui de ce premier « L'un n'empêche pas l'autre ». Le spectateur « facile » et bon enfant s'amusera à ce spectacle improvisé.

Pourvu qu'il ait de la patience.

En pénétrant dans le « 140 » il faut laisser au vestiaire — selon l'expression consacrée — son amour du théâtre, son sens critique, se préparer à pardonner bien des faiblesses, bien des concessions faciles et s'armer de beaucoup de patience.

Par curiosité voyez ce spectacle qui se veut d'avant-garde et qui n'est en réalité qu'un « pillage » des vieux maîtres du genre et un malheureux pastiche des grands acteurs « comiques » de notre temps. Mais, ceux-ci ont l'avantage de s'être soigneusement préparés avant de se présenter devant le public. Question de politesse.

Ph. G

Auteur Ph. G.

Publication Le Peuple

Performance(s) L'un n'empêche pas l'autre

Date(s) du 1967-11-03 au 1967-11-12

Artiste(s)

Compagnie / Organisation La Compagnie Romain Bouteille