Archives du Théâtre 140

Le Phare Dimanche

4-2-1968

« LE LABYRINTHE » D'ARRABAL

par le Grand Théâtre Panique

On peut se sentir aussi éloigné de ceux qui condamnent systématiquement toutes les formes du nouveau théâtre — où le texte est subordonné au spectacle — que de ses laudateurs inconditionnels terrorisés à l'idée de manquer le dernier train.

Avec le Labyrinthe, nous nous trouvons en présence d'une tentative exemplaire de créer ce « théâtre de la cruauté » cher à Antonin Artaud. A proprement parler, il n'y a pas ici de pièce : simplement un thème de cauchemar (un labyrinthe de couvertures, des prisonniers, des bourreaux, des victimes et des fous) imaginé par Arrabal et qui sert de tremplin et d'alibi à un spectacle où la mise er scène, le décor et la musique (principalement des solos de batterie) sont d'autant mieux fondus et ordonnés, à l'unité du spectacle qu'ils sont l'œuvre d'un seul maître d'oeuvre. Ce Jérôme Savary est incontestablement un homme de théâtre de très grand talent. Il a su imprimer à ce thème onirique (où l'on pourrait retrouver les archétypes de l'inconscient collectif dont Jung s'est fait le porte-parole) une atmosphère de messe noire. Il y a des facilités, des complaisances et des redites dans ce spectacle, mais à mon sens, elles sont peu importantes en regard du style et du rythme de la représentation qui, dans ses meilleurs moments, m'est apparue d'une beauté fascinante.

A ce style du metteur en scène se plie une troupe dont chacun des éléments possède une classe évidente. Dans le rôle de Michaëlla, Lydie Pruvot, en particulier, réussit une étincelante performance. On n'est pas près d'oublier la manière hallucinante dont, à certains moments, elle précipite son débit.

L'univers de sons et d'images dans lequel on est plongé, les personnages ubuesques qui défilent peuvent certes déconcerter le public, mais il n'en reste pas moins que cette représentation doit être considérée comme une tentative particulièrement envoûtante de théâtre expérimental. (Théâtre 140).

J.L.