Archives du Théâtre 140


Au Théâtre 140, Cages par le Studio d'Amsterdam



La Libre Belgique

13-2-1968

Au Théâtre 140

CAGES

par le Studio d'Amsterdam

Dans le cadre des accords culturels belgo-néerlandais, le Studio d'Amsterdam a donné au Théâtre 140 une représentation unique de « Kooien » (Cages), spectacle composé de deux pièces de l'Américain Lewis John Carlino.

« Epiphany » est le plus remarquable de ces deux actes qui ont pour objet le couple. Carlino, né en 1932, est un esprit corrosif doublé d'un excellent technicien de la scène.

« Epiphany » est avant tout du bon théâtre, nerveux, intelligent, comique. Un couple américain. - « Elle » travaille, « Lui » tient le ménage. Non contente d'être au bureau toute la journée, elle ramène encore du travail supplémentaire qui l'absorbe une partie de la soirée. Lui, pendant ce temps, potasse des ouvrages d'ornithologie, sa passion, sa manie. Partant de cette situation, Carlino a bâti une parabole qui illustre certains aspects de la psychologie du couple américain : volonté de domination chez la femme, complexe de frustration chez l'homme.

L'ornithologue amateur d'« Epiphany » finit par s'identifier au coq dans une optique freudienne. Poussant la parodie jusqu'à l'absurde, Carlino, qui malmène joyeusement les théories freudiennes, nous montre le mari... pondant un œuf, au moment même où il veut faire la démonstration de sa puissance.

Cette bouffonnerie est contée avec une verve remarquable. Elle permet à deux excellents comédiens de donner une preuve de leur talent. Andrea Domburg a toute la froide autorité, avec une pointe de condescendance, de la Femme, tandis que Ton Lensink fait une création éblouissante dans le rôle du pitoyable ornithologue. Ils ont été dirigés par Kees Van Iersel, dans un habile décor de Siet Zuyderland.

On retrouve les mêmes artistes dans la pièce jouée en début de soirée : « Snowangel » (Ange des neiges) où l'on retrouve une des obsessions du théâtre actuel : l'incommunicabilité. Un homme et une femme dans une chambre; chacun essaie d'imposer à l'autre ses propres rêves. Solitude à deux. Là encore, les deux comédiens jouent avec sobriété, sincérité et une émotion contenue qui forcent l'adhésion.

Les textes néerlandais de Gerrit Kouwenaar sont remarquables qu'il s'agisse de la langue verte de, « Snowangel », ou du dialogue spirituel d'« Epiphany ».

Le passage — trop bref — du Studio d'Amsterdam aura laissé un merveilleux souvenir de théâtre.

Pour public formé.

J.S.

Auteur J.S.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) Kooien

Date(s) 1968-02-10

Artiste(s) Lewis John Carlino

Compagnie / Organisation Studio Amsterdam