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Contestation au Palais des Papes. Le Living Theater se retire du Festival d'Avignon



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[29-7-1968]

CONTESTATION AU PALAIS DES PAPES

Le Living Theater se retire du Festival d'Avignon

Le Festival d'Avignon ne se poursuivra pas selon le programme prévu. La cité des Papes a vu se ranimer la flambée de contestations qui secoua la France au mois de mai. Divers incidents avaient marqué les représentations du Ballet du XXième Siècle de Maurice Béjart, mais c'est le conflit surgi entre le Living Theater et la municipalité qui a abouti à la rupture. Aux sommations de remplacer la pièce « Paradise now » à l'affiche par une autre œuvre de son répertoire, la compagnie américaine a répondu par son retrait pur et simple du festival.

Avignon, 29 juillet. (A. P.)

La décision du Living Theater de se retirer du Festival d'Avignon a été rapidement connue et une centaine de manifestants se sont rassemblés pour protester devant le théâtre des Carmes où la troupe de Julian Beck aurait dû interpréter Antigone dimanche soir. D'autres incidents plus sérieux ont éclaté â partir de 21 h 30 à l'entrée de la cour d'honneur du palais des Papes où les Ballets du XXième Siècle devaient se produire dans « A la Recherche de … »

Le début du spectacle a été retardé, tandis que Maurice Béjart avait vainement tenté de prendre la parole sur scène. Quelques bagarres eurent même lieu et les services de police ont pris position autour du palais des Papes.

Les raisons du Living Theater

Le Living Theater explique sa décision dans un très long communiqué dont voici quelques extraits :

« Nous nous retirons du Festival d'Avignon parce que, sans que le mot d'interdiction ait été prononcé, Paradise now a été interdit par la municipalité sous menace d'action répressive et judiciaire; parce que les responsables du Festival, représentés par le maire d'Avignon, nous ont interdit toute représentation gratuite dans les rues d'Avignon, alors que la totalité des places payantes sont déjà vendues. Ces responsables affirment catégoriquement que la population n'a pas le droit d'accéder au théâtre sans payer parce que nous avons le choix entre subir la contrainte de la municipalité qui supprime notre liberté d'expression, et travailler pour assurer notre propre liberté et celle des autres: parce que nous avons le choix entre nous incliner devant une exigence appuyée par une sommation d'huissier et nous retirer du Festival qui veut nous empêcher de jouer ce qu'il nous a demandé de jouer. »

Suivent encore de très nombreuses raisons telles que « le choix de la solution propre à dominer le climat de violence qui règne dans la ville », « on ne peut pas servir le peuple et l'Etat, la liberté et l'autorité », « on ne peut à la fois dire la vérité et mentir », « le temps est venu pour nous de commencer enfin de refuser à servir ceux qui veulent que la connaissance et les pouvoirs de l'art appartiennent seulement à ceux qui peuvent payer », etc.

Que fera Jean Vilar?

Le communiqué se termine ainsi : parce que, enfin, bien qu'il nous déplaise d'invoquer la justice et la loi, nous sommes convaincus que le contrat avec la ville d'Avignon est déjà rompu du fait de notre empéchement de jouer Paradise nos. Nous nous sentons donc totalement libres de prendre cette position nécessaire ».

Plusieurs personnes devaient, après cette déclaration, demander la venue de Maurice Béjart et de Jean Vilar, responsable du Festival.

On ne sait encore l'attitude que prendront l'un et l'autre devant cette décision.

Auteur A.P.

Publication -

Performance(s)

Date(s) 1968-07-29

Artiste(s)

Compagnie / Organisation