Archives du Théâtre 140

Le Soir

22-10-1968

AU THEATRE 140

Pink Floyd

Le spectacle de l'an 2.000!

Jusqu'ici, jamais aucun groupe n'avait osé pousser aussi loin l'expérimentation. Et jamais non plus, aucun directeur de salle n'avait fourni, à son public, un numéro aussi démentiellement d'avant-garde!

Aucun « tube », des lignes harmoniques proches de la musique sérielle, un climat futuriste : en deux mots, de quoi faire fuir tout ce qui n'est pas décidé à jouer le jeu. C'est-à-dire ceux dont l'incuriosité égale le petit confort (deux pièces avec vue sur accordéon), ceux qui se refusent absolument à « voir » plus loin que le bout de leurs oreilles.. « Musique d'aujourd'hui » : le slogan imaginé par M. Jo Dekmine, le plus téméraire de nos animateurs de spectacles, les Pink Floyd le démodent en quelques secondes. On aime ou on déteste. Exactement comme on a 20 ou 60 ans.

Soyons objectifs : à la limite du supportable, l'écriture de Pink Floyd peut effectivement irriter. En fait, ce show, pour éviter toute lassitude oculaire et auditive, ne devrait pas dépasser trente minutes.

Les Pink Floyd ne s'arrêtent pas là et c'est, dans un sens, regrettable. Car, dans le cas contraire, même ceux qui, aujourd'hui, renâclent, admireraient les merveilleux et éblouissants tableaux d'une seconde, multipliés à l'infini, grâce à des éclairages blêmes, d'une constante et inépuisable invention. On pense aux trouvailles d'Averty, aux délires psychédéliques, à un invraisemblable spectacle qui aurait, longuement, mariné dans du L. S. D.

« Son et Lumière de l'an 2000 », les Pink Floyd ont peut-être un défaut : celui de se produire trente ans trop tôt! Mais tous ceux qui ont horreur d'être laissés sur place étaient là, ce week-end, au « 140 » et ont apprécié. Ils n'en sont pas encore revenus, c'est vrai. Mais ils reviendront.

Henry LEMAIRE.