Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

22-10-1968

PINK FLOYD

Le groupe anglais Pink Floyd, qui s'est produit, dimanche, en matinée et en soirée, au Théâtre 140, est composé d'un guitariste, d'une basse, d'un organiste, d'un batteur et d'un... projectionniste. Ce dernier cherche à donner une sensation d'ivresse par un système de couleurs violentes associées à une musique qui se veut affolante, torturée, jouant avec fureur sur les sens. II y a incontestablement une influence de musique électronique, usant de sons préenregistrés, d'instruments étranges comme le mélotron, sorte d'orgue produisant un accompagnement de cordes.

Vouloir populariser une musique encore au stade de la recherche, était une gageure. L'ambiance créée par les Pink Floyd donne l'impression de vouloir projeter le public à travers l'espace, comme si les sons étaient passés au chalumeau, mais ces feux d'artifices bruyants jasent bien vite, car la mèche est mouillée et les sons ne tirent plus leur force que des amplificateurs. Trois tentatives audacieuses étaient sinon méritoires, du moins courageuses. Une description de la jungle avec des cris d'animaux et d'oiseaux terrifiants avait un certain réalisme. Fortement accru par l'insoutenable projection de lumières frappantes, le pressentiment d'un cataclysme avait la même persuasion que la musique de films à suspens. Un genre mélodique hindou fut ressemblant par son côté incantatoire, les discordances déchirantes répondant au fond de toile zébrée de jets multicolores.

Les Pink Floyd possèdent, sans doute, une source de possibilités incroyable, mais ils se contentèrent de l'effet et détruisirent ainsi ce qu'ils auraient pu créer. L'effet tomba dan la platitude et les projecteurs achevèrent d'exacerber le sens de la vu en plus de celui de l'ouïe. Le jeune public à crinière devint amorphe, assommé, certainement décontenancé devant les « musiciens » qui se re trouvèrent seuls en transes.

M. E