Archives du Théâtre 140


Au 140, 'Je ne veux pas mourir idiot'



La Dernière Heure

30-10-1968

AU 140

« Je ne veux pas mourir idiot »

C'est le spectacle le plus court présenté à Bruxelles depuis longtemps. Annoncé pour 21 heures, il commence — selon la (désagréable) tradition du 140 — avec une demi-heure de retard et, après un (interminable) entracte de quarante minutes, les spectateurs se retrouvent dehors à 23 h. 10, après avoir assisté à deux actes de trente minutes chacun.

C'est aussi un spectacle un peu décevant. Inspiré à Wolinsky, le dessinateur satirique, et au metteur en scène Claude Confortés, par les événements de mai-juin, à Paris, on en attendait, sinon une certaine violence, du moins des prises de position nettes et originales. Au lieu de quoi, on assiste à un nouveau déballage — sous une forme heureusement plus humoristique — du ramassis de lieux communs dont se gargarisent trop souvent les contestataires.

Que la société actuelle n'apporte pas aux jeunes couches, qu'ils soient ouvriers ou étudiants, ce qu'ils en attendent, il n'y a sans doute personne pour le nier, tout pomme celle d'hier ne donnait pas davantage satisfaction à leurs ainés. Mais, alors que ceux-là ont sur ceux-ci (muselés ou réduits à la clandestinité par la guerre, puis préoccupés avant tout de reconstruire) l'immense avantage de pouvoir s'exprimer librement sans manquer du strict nécessaire, ils usent bien mal de cette liberté : d'accord pour détruire ce dont ils ne veulent plus, ils sont incapables de préciser ce qu'ils veulent. Ils le reconnaissent, d'ailleurs, dans le cas présent en se bornant à affirmer : « Je ne veux pas mourir idiot »... sans jamais dire autrement comment ils veulent vivre.

Bien que les schématisations soient fort simplistes — avec un ouvrier et une étudiante qui contestent, un bourgeois conservateur qui fait semblant d'être compréhensif pour mieux mater la révolution, un esthète préoccupé de son bien-être personnel, un guitariste témoin qui chante l'actualité et un policier prompt à manier la matraque — on suit avec attention cette sorte d'image d'Epinal (encore que volontairement très dépouillée) des événements parisiens; il arrive que l'un ou l'autre mot drôle fasse rire; on peut, un bref instant, être ému; mais on reste malheureusement toujours sur sa faim.

C'est d'autant plus dommage que tous les interprètes sont très à l'aise et très convaincants : Hermine Karagheuz, Georges Beller, Gérard Croce. Philippe Ogouz, Claude Confortés et le chanteur guitariste Evariste.

— R.P.

Auteur R.P.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) Je ne veux pas mourir idiot

Date(s) du 1968-10-28 au 1968-11-02

Artiste(s) WolinskiClaude ConfortèsEvariste

Compagnie / Organisation