Archives du Théâtre 140


Humour et contestation: 'Je ne veux pas mourir idiot', de Wolinsky



Le Phare Dimanche

10-11-1968

Humour et contestation

« Je ne veux pas mourir idiot »

de Wolinsky

Les événements dont la France et plus particulièrement Paris furent le théâtre au printemps dernier ont déjà été l'objet d'un nombre considérable de livres et de réflexions. C'est l'une des caractéristiques de notre époque que tout événement de quelque importance trouve son immédiate résonance grâce aux techniques audio-visuelles et à l'imprimé.

La tentation est évidemment grande d'utiliser également la scène pour y prolonger ou y commenter l'événement.

Le spectacle conçu par Wolinsky et mis en scène par Claude Confortés tient à la fois de la satire, de la parade et du défi. Cinq comédiens sont en scène qui incarnent des personnages tels que l'ouvrier, l'étudiante, le C.R.S., le syndicaliste, etc. Ces personnages ne sont pas emportés à proprement parler dans une action dramatique. Ils parlent, jouent de courtes scènes, véhiculent un certain nombre de gags. Il y a en outre un guitariste, Evariste, qui chante avec infiniment d'humour des chansons souvent dort drôles sur fond d'amertume qu'il a composées lui-même avec Wolinsky.

On prend beaucoup de plaisir à la première partie de ce spectacle. Les interprètes sont très brillants et surtout, ils ont trouvé le ton juste. Tout en prenant, bien entendu, parti pour les contestataires contre les « vieux », les « bourgeois », les C.R.S. , la société de consommation, ils se tiennent pourtant à une certaine distance de tous et prennent soin de ne jamais tomber dans les simplifications si préjudiciables à l'humour comme à l'esprit de vérité. Autrement dit, ce qui est ici caricature l'est présenté comme tel. Une insolence contrôlée, l'esprit d'invention, la vivacité et l'intelligence des réparties ou des trouvailles, le rythme du spectacle et même l'esprit critique contribuent à nous plonger dans un climat très plaisant. On rit beaucoup et surtout la qualité de ce rire ne provoque ensuite aucun remords.

Cela ne dure malheureusement qu'une demi-heure. La seconde partit, de la soirée — tout aussi courte — trahit une inquiétante baisse d'inspiration. Conséquence logique : le ton s'épaissit, l'humour s'évapore et les oppositions deviennent simplistes. On en vient à une comparaison tout de même terriblement abusive entre le gaullisme et le fascisme et cela d'une manière un peu détournée et qui manque de franchise. Bref, le ton se déglingue et l'esprit se diminue. Le talent des interprètes reste entier, mais ne suffit pas à pallier les faiblesses d'un texte plus polémique et beaucoup moins drôle qu'au début de la soirée.

Alors que la première partie dépassait le niveau du bon cabaret, la seconde n'y atteint pas. Dommage, car l'équipe est sympathique et pleine de talent. Nous espérons la revoir un jour dans un spectacle plus étoffé et plus soutenu. (Théâtre 140).

Jean LEIRENS.

Auteur Jean Leirens

Publication Le Phare Dimanche

Performance(s) Je ne veux pas mourir idiot

Date(s) du 1968-10-28 au 1968-11-02

Artiste(s) WolinskiClaude ConfortèsEvariste

Compagnie / Organisation