Archives du Théâtre 140


Au Théâtre 140: Zéro égale zéro



La Dernière Heure

20-1-1969

Au Théâtre 140: ZERO EGALE ZERO

Le Studio Amsterdam — théâtre laboratoire — a donné, vendredi, au Théâtre 140 — et ce dans le cadre des relations culturelles belgo-neerlandaises — « Zéro égale zéro », de l'auteur suédois Key-Aaberg.

La représentation était réalisée sous la forme d'un « spectacle total » de Kees Van Lersel.

Disons immédiatement que nous n'avons pas pu suivre aisément le déroulement de la pièce — loin s'en faut. Nous n'avons pas « dans l'oreille » le langage des gens d'Amsterdam et d'autre part certaines scènes étaient interprétées avec une volubilité vraiment déconcertante.

Il n'y a pas d'intrigue, mais bien une succession de scènes de la vie quotidienne traduites dans un langage usuel, nettement déphrasé par rapport à la problématique que l'on sent dans le fond de l'affaire.

Quant à la mise en scène, elle est très particulière. Pendant que les acteurs évoluent sur le plateau, l'action est illustrée — ou interprétee — au moyen de diapositives ou de films.

C'est ainsi qu'à l'occasion du dialogue d'un couple on voit défiler une série d'images nettement erotiques — montrant sans la moindre équivoque, les pensées — sinon les intentions — de l'homme.

Dans sa présentation Jo Dekmine parlait d'une « impertinence (qui) alarmera nos honnêtes bourgeois ».

Impertinence certes — tel ce portrait du pape apparaissant sur un fond de chambre à coucher au cours d'une scène de ménage sensée se dérouler au lit... mais peut-être aussi indécence.

En résumé, spectacle curieux, joué avec une grande maîtrise, une vivacité étonnante, que l'on peut présenter une fois, mais qui sans doute provoquerait des réactions s'il était mis régulièrement à l'affiche.

— F.D.

Au Théâtre 140

« Solid State »

Le jeune théâtre expérimental d'Amsterdam avait annoncé un spectacle sans acteurs et sans texte. Il a tenu sa promesse : les acteurs sont restés invisibles.

Quant au texte, il comportait seulement des paroles incohérentes

lancées comme ces bribes de phrases qui nous parviennent parfois en longeant un couloir d'hôtel ou en surprenant sans le vouloir sur le quai d'une gare les mots balbutiés par une jeune femme auprès d'un train de permissionnaires qui part.

Ces incohérences qui ne manquent pas toujours de poésie, forment deux pièces de Becket traduites par l'auteur. Pour aboutir au spectacle à l'état solide, Lodewijk De Boer y adjoint deux sphères parcourues de couleurs et d'effluves d'intensités différentes. Les affinités des sons, des mots, des couleurs, des ombres et des lumières collaborent à l'ensemble. Et, comme il s'agit, en somme, d'un entretien sur la pluralité des mondes (où Fontenelle ne reconnaîtrait pas ses petits) l'auteur a cru bon de faire appel à « la sombre clarté qui tombe des étoiles ».

Rappelons que l'œil humain ne peut, sans danger, supporter la lumière noire pendant longtemps. Ici, on lui en fournit une forte dose pendant trois ou quatre minutes.

Le caractère malsain de ce décor abstrait se corse davantage par une stéréo en délire qui outrepasse également les limites acceptables par l'oreille moyenne.

Certes Ionesco a distendu la langue, certes Obaldia a fait éclater le vocabulaire. Mais ici des propositions entières, voire des scènes complètes sont déformées par une structure informe. La pensée trahie par le non-langage est mal supportée par le bruit et la couleur : parce qu'il existe une limite à leur expression.

Nous n'avons guère apprécié non plus cette espèce d'Oratorio de Haendel en free jazz. Le violoniste y tire les sons les plus grinçants et les dis harmoniques les plus agaçantes. Il est aidé par deux cuivristes tristes et par un pianiste qui joue avec ses poings et le tranchant de ses mains. Le batteur, ivre de rythme, pousse des cris d'orfraie.

Ce free jazz a mérité cependant des applaudissements par son mouvement et sa jeunesse.

« Solid State » nous reviendra peut-être ou sera suivi d'un « Liquid State ». Nous demandons alors une traduction : des exercices aussi périlleux valent bien un filet.

— A.H.

Auteur A.H.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) 0=0, Solid State, Cascando, Woorden en Muziek

Date(s) du 1969-01-17 au 1969-01-19

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Studio Amsterdam