Archives du Théâtre 140


Le théâtre laboratoire Studio Amsterdam



Le Soir

21-1-1969

AU THEATRE 140

Le théâtre laboratoire Studio Amsterdam

Un théâtre sans acteurs peut sembler une notion irréelle. Et c'est bien dans l'irréalité que se situe le second spectacle présenté au Théâtre 140 par le Studio Amsterdam. Nous sommes évidemment loin des origines, de l'amphithéâtre hellénique, du solleil de l'Attique, du texte presque hiératique du dithyrambe et de la tragédie, des hommes portant masques et cothurnes et évoquant l'histoire et les légendes de la cité. Mais l'esprit humain ne s'est pas immobilisé depuis lors s'il est plus d'une fois prisonnier de la technique. Actuellement, l'œil et l'oreille sont submergés par un flux illimité d'images et de sons qui viennent assiéger et battre les tréfonds de la conscience et de la sensibilité. Les esprits les plus solides arrivent à peine à se soustraire à cette ambiance, quitte à s'y replonger délibérés à la recherche d'effets nouveaux destinés à régénérer et compléter l'art contemporain.

L'auteur de théâtre néerlandais, Lodewijk de Boer, affronte délibérément les nouveautés techniques les plus avancées, qu'il s'agisse de ses propres conceptions ou de celles d'un Samuel Beckett dont il représente, si l'on peut dire, « Cascando » et « Woorden en muziek » (Paroles et musique), et qui relèvent du genre incantatoire plutôt que de l'art dramatique proprement dit. Les textes sont débités par des haut-parleurs devant des décors abstraits animés, dont les effets lumineux sont gradués en fonction des paroles et des images avec une extreme précision. Aucun personnage ne se trouve sur la scène. Seules les voix et les lumières dialoguent ou monologuent, le plus souvent d'une manière assourdissante, ce qui met le spectateur en un état, de moindre défense et le rend généralement plus apte à recevoir les suggestions de l'auteur ou du metteur en scène. Dans « Solid State », de Boer va plus loin encore, utilisant, par exemple, des oscilloscopes géants dont les courbes s'animent directement en fonction de la parole. Ces effets sont connus depuis longtemps des électroniciens sans que ceux-ci n'aient tenté spécialement de les transposer dans un but esthétique immédiat. Le résultat est certes intéressant s'il ne constitue qu'un début, d'autant plus élémentaire que les ressources techniques utilisables sont à peine effleurées.

Ce même caractère expérimental se retrouve dans les expériences de jazz libre, que de Boer organise en compagnie de quelques instrumentses. Si l'improvisation sur un canevas écrit est à la base de cette exécution, les rythmes sont très libres et échappent à toute stylisation.

L'intensité du son amplifié est généralement assourdissante au point de devoir amoindrir à la longue l'ouïe des musiciens. Quant à la qualité de l'exécution, elle ne vaut que ce que valent les exécutants. La formule de l'improvisation exclut la possibilité d'une critique objective de la forme, puisque celle-ci change en principe, à chaque audition. Ce qui n'exclut pas des trouvailles réelles dont la musique ne peut que bénéficier et situe ce genre d'art entre le jazz stylisé et la musique dans son acception étendue.

L.V.

Auteur L.V.

Publication Le Soir

Performance(s) 0=0, Solid State, Cascando, Woorden en Muziek

Date(s) du 1969-01-17 au 1969-01-19

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Studio Amsterdam