Archives du Théâtre 140


Living Theatre de New-York



retour d'amérique

LIVING THEATRE DE NEW-YORK

sous le haut patronage de

FIAT BELGIO

jo dekmine présente

du 10 au 13 décembre 69

PARADISE NOW

du 18 au 21 décembre 69

MYSTERIES AND SMALLER PIECES

A Heist, une grosse ferme en pleine terre, il y a cinq ans en décembre, le Living Theatre. ILs élaboraient leur « Mysteries » comme on ferait des gammes, les jours gris, une sorte de discipline horaire, les femmes départagées entre les enfants, la subtilité des aliments végétariens et leur rôle dans le spectacle à faire. Les hommes jouent de la musique, dessinent, répètent, vont voir dehors s'il fait toujours aussi mauvais.

Ils attendent le retour de Julian et Judith, en prison sur parole aux U.S.A., les problèmes sont infinis, ils le sont restés. Judith Malina revient, prend les rênes de la nouvelle création collective; le Living Theatre « off » New York crée « Mysteries and smaller pieces » au Théâtre 140. Julian Beck arrive enfin: « Je suis heureux, j'ai converti la moitié de la prison à nos idées non-violentes ».

Dans la rencontre du Living Theatre et du 140, il y a la part de détermination et celle du hasard.

S'il faut croire au mécanisme du « Succès », les officiels de la première de Mysteries lui firent un échec. Dès le lendemain le public « normal » s'interroge, se passionne, va jusqu'à rejoindre le Living en scène, le seul résultat qui les intéresse est atteint.

Il y aura bien sûr les curieux, les touristes…

jo dekmine & alain las ante

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L'HISTOIRE DU LIVING THEATRE

Les étapes sont innombrables. Pierre Biner les a scrupuleusement reconstituées dans le livre qu'il vient de consacrer au Living Theatre. De la cave, les Beck se transportent dans leur appartement; ensuite au Cherry Lane Theatre; puis dans un grenier de la 100e rue: enfin, au Living Theatre, à l'angle de la 14e rue et de la 6e avenue. Ils y resteront quatre ans (de 1959 à 1963), jusqu'à ce que l'IRS (la brigade des impôts) les en chasse.

Ils y créeront 10 spectacles dont leurs deux plus grands succès: « The connection » de Jack Gelber (réunis dans une chambre, des drogués, dont quatre musiciens de jazz, attendent leur pourvoyeur) et « The Brig » de Kenneth Brown (les rapports gardiens-prisonniers dans une cellule disciplinaire de Marines) qui sont devenus des films.

L'explosion des Beck du Living Theatre est déjà une page de l'histoire du théâtre puisqu'on en a fait une pièce: « Les Procès de Judith Malina et de Julian Beck », jouée à New York par l'Open Theatre. L'incident dura quatre jours et permit aux comédiens de parfaire une technique de la résistance non-violente (« sit-in ») mise au point au cours de protestations précédentes: contre les exercices de défense civile, contre la course à l'armement atomique et surtout à l'occasion de la grève générale mondiale pour la paix déclenchée par les Beck en mai 1963.

Leur procès s'ouvrit à New York en mai '64. Les chefs d'accusation étaient nombreux. Les Beck nient l'argent - « chaque fois que j'accepte un dollar de quelqu'un, je me sers du système guerrier et sanglant que les hommes ont adopté pour leurs échanges » dit Judith Malina - ils en devaient donc un peu à tout le monde. Julian Beck encourait dix-neuf ans de prison et 26.000 dollars d'amende. Il refusa de prendre un avocat et, jouant les deux rôles, il posa les questions et fit les réponses, ce qui lui valut deux mois de prison. Judith Malina encourait huit ans de prison et 10.500 dollars d'amende. Pendant la lecture du verdict, au moment précis où fut prononcé le mot coupable, elle cria « innocente ». Elle fut condamnée à un mois de prison. Ayant acquitté leur dette envers la société américaine, ils auraient pu reprendre leurs activités, mais profondément ulcérés, ils décidèrent de s'exiler et, à Londres, Bruxelles et Paris leur offrant des contrats, ils partirent pour l'Europe avec leur comédiens. Car les Beck ne sont pas des gens qui jouent la comédie pour amuser. Leur théâtre est une défense et illustration permanente de leur conception du monde. Prétendre l'apprécier tout en méconnaissant ou en méprisant ce qui le motive et le nourrit équivaudrait à aimer lire Marx pour le balancement de ses phrases.

PARLONS

DE LA CONTRE-REVOLUTION

parce que

nous voulons

la révolution

et la révolution

n'aura pas

sa place

tant que

nous n'aurons pas exorcisé

la violence

car

la violence

est contre-révolutionnaire

la violence

est le produit

de notre civilisation

et la violence

est le fondement

de notre civilisation

et c'est notre civilisation

que la révolution

veut détruire

la révolution

est un processus

de destruction et de création

la révolution

est une destruction créatrice

suivie de pure création

la révolution

ne peut employer les techniques

de la vieille civilisation

c'est pourquoi

la révolution

ne peut employer la violence

car

nous ne voulons plus des effets

de la vieille civilisation

la vieille civilisation

créa la violence afin d'exécuter

ses propres desseins violents

et la révolution

n'a pas

de desseins violents

elle a

des buts

de vie non-violente

la vieille civilisation c'est

la violence du système sociale

la violence de l'argent

violence du

pouvoir autoritaire

armée police

violence de la colère

violence de l'orgueil

violence de la morale égoïste

et de mort crapuleuse

nous ne voulons pas la violence

nous voulons

la vie

nous voulons

être

libres

être libre

signifie

être libéré de la violence

c'est pourquoi

un vrai révolutionnaire

est non-violent

c'est pourquoi

nous trouverons

d'autres moyens de

changer le monde

nous voulons

être libérés

de l'état meurtrier

nous voulons changer

l'énergie de mort

en énergie de vie

la violence

en

création

chacun

doit être libre

de manger

la révolution veut

arrêter

toutes les guerres

tous

les

combats

la révolution veut

donner à chacun l'occasion

de s'élever

si vous ne voyez pas

que la vie est simplement sacrée

je n'accepte pas votre conception

du monde...

c'est pourquoi

la révolution

ne peut employer la violence

car

nous ne voulons plus des effets

de la vieille civilisation

la vieille civilisation

créa la violence afin d'exécuter

ses propres desseins violents

et la révolution

n'a pas

de desseins violents

elle a

des buts

de vie non-violente

la vieille civilisation

c'est la violence du système sociale

la violence de l'argent

violence du

pouvoir autoritaire

armée police

violence de la colère

violence de l'orgueil

violence de la morale égoïste

et de mort crapuleuse

nous ne voulons pas la violence

nous voulons

la vie

nous voulons

être

libres

être libre

signifie

être libéré de la violence

c'est pourquoi

un vrai révolutionnaire

est non-violent

c'est pourquoi

nous trouverons

d'autres moyens de

changer le monde

nous voulons

être libérés

de l'état meurtrier

nous voulons changer

l'énergie de mort

en énergie de vie

la violence

en

création

chacun

doit être libre

de manger

la révolution veut

arrêter

toutes les guerres

tous

les

combats

la révolution veut

donner à chacun l'occasion

de s'élever

si vous ne voyez pas

que la vie est simplement sacrée

je n'accepte pas votre conception

du monde...

nous voulons

en changeant le monde

nous changer nous-même

nous voulons

nous défaire

de notre propre corruption

et au travers

du processus de la révolution

de nous trouver

existants

non

mourants

et avant

que nous fassions cela

la révolution ne trouvera pas

sa place

UN THEATRE DE REPONSES

De ce qu'ils nomment « un théâtre de questions » et qu'ils jouaient en Amérique, les Beck sont passés, en Europe, à ce qu'ils nomment « un théâtre de réponses ». Théâtre de questions signifie théâtre de critique sociale (celui de Brecht, par exemple). Le Théâtre de réponses n'ayant pas encore trouvé ses auteurs, le LIVING en est venu peu à peu à interpréter ces pièces de pure mise en scène collective (« Mysteries »), sans texte ou presque, qui ont fait sa réputation à Bruxelles, à Paris et à Amsterdam.

« Paradise now », leur création avignonnaise, appartient à cette catégorie. Ils disent qu'il s'agit de « leur premier spectacle de joie ». Pendant trois mois à Cefalu, en Sicile, où ils étaient les hôtes du Club Méditerranée, les 34 comédiens ont rêvé au visage que prendrait la Société après « la belle révolution anarchiste non violente ». C'est l'expression gestuelle, canalisée, élaguée par les Beck, de ce grand brassage d'idées collectif qui constitue le spectacle. Beaucoup de spectateurs n'y verront qu'un extraordinaire travail de mise en scène. Il n'a pourtant demandé qu'un très petit nombre de répétitions. C'est ce qui le supporte : les idées, leur recherche, leur choix, qui a pris le plus de temps.

MYSTERIES AND SMALLER PIECES

Le second spectacle présenté en Belgique cette année par le Living a été créé au Théâtre 140 il y a près de 5 ans. Honni par les officiels lors de la première, ovationné par le public du lendemain qui alla jusqu'à la participation sur scène dans un esprit d'une extraordinaire ferveur. Un spectacle d'un grand ascétisme qui était une réponse « parallèle » à la question : qu'est-ce que le happening?

« MYSTERIES » correspond précisément au dépassement du happening, de son « pittoresque » lorsque celui-ci tend au scandale visuel, au divertissement pour mondains initiés. Les « Mysteries » sont des exercices de comédiens, sans artifices, mis au service d'une philosophie, celle qui anime le Living Theatre. « A bas la police », « stop the bomb », « arrêtez les guerres », « libérez les noirs » : ces slogans, les comédiens du Living Theatre les lancent chaque soir lorsqu'ils interprètent « Mysteries and smaller pieces ».

Auteur

Publication [programme de spectacle]

Performance(s) Paradise Now

Date(s) du 1969-12-10 au 1969-12-13

Artiste(s)

Compagnie / Organisation The Living Theatre