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Séjournant à nouveau en Belgique, Le 'Living Theatre de New York' affirme n'avoir pas été expulsé d'Italie



La Dernière Heure

10-12-1969

Séjournant à nouveau en Belgique

Le « Living Theatre de New York » affirme n'avoir pas été expulsé d'Italie

Le Living Theatre de New York se trouve actuellement en Belgique où, après s'être produit à Louvain, il doit donner à Bruxelles, au Théâtre 140, une série de représentations de « Paradise Now » et de « Mysteries », deux spectacles qu'il présentera également au Centre culturel de Seraing.

Julian Beck, son animateur, a tenu — au cours d'une réunion d'information tenue à Bruxelles mardi après-midi — à faire justice des informations relatives à la récente « expulsion » du Living Theatre d'Italie.

— Il y a longtemps, a-t-il dit en substance, que nous avons des difficultés avec la police dans presque tous les pays où nous nous produisons. Pourquoi? Parce que notre théâtre est un théâtre de libération et que la police représente un état de répression. La police nous a toujours suspectés de faire quelque chose contre la loi... et dans un sens elle n'a pas tort puisque, par une sorte de lutte révolutionnaire non violente, nous voulons arriver à mettre un terme aux tabous de la société de prohibition dans laquelle nous vivons. Prohibition? Mais il n'y a que cela : on ne peut pas voyager sans passeport, on ne peut pas vivre sans argent, on ne peut pas fumer le haschish, on ne peut pas ôter ses vêtements... Et justement, à propos d'ôter ses vêtements! Pour montrer que nous entendons lutter contre ces prohibitions, nous nous déshabillons. Mais pas au-delà de ce que la loi permet. C'est-à-dire que le cache-sexe et le soutien-gorge restent de rigueur. Mieux : comme il s'agit de vêtements de théâtre, ils sont même violemment bariolés. Eh bien, croyez-le ou non, mais il y a des cas — et ils ne sont pas rares — où la police est persuadée que des acteurs et des actrices se sont montrés nus, tellement elle est convaincue qu'il doit en être ainsi avec nous! Et il n'y a pas que la police : à Turin, c'est le directeur du théâtre qui a fait appel aux forces de l'ordre pour nous empêcher de jouer; une seconde représentation, donnée dans un endroit privé s'est déroulée sans incident. Idem à Milan et à Naples

— Et à Rome?

— A Rome, nous n'avons pas reçu l'autorisation de jouer « Paradise Now » parce que l'on n'a pas admis de nous voir développer nos théories sur la nécessité de réformer le monde dans la ville des papes. C'est alors que nous avons été à Naples. A notre retour, alors que notre permis de travail était arrivé à expiration, nous avons été sollicités par les étudiants pour donner une représentation de « Paradise Now » pour eux, en privé. Nous n'avons pas cru commettre une infraction, puisque nous n'avions accepté aucune rétribution pour ce spectacle. Mais l'Université était occupée. Des grèves étaient en cours. Le recteur a cru bon de faire appel à la police: 2.000 agents avec fusils et matraques sont intervenus pour interrompre le spectacle au moment où on venait d'entamer le deuxième quart. On nous a demandé si nous comptions prolonger notre séjour en Italie. Nous avons répondu que nous étions attendus en Belgique et que nous partions dès le lendemain. D'une manière laconique, mais gentille, on nous a alors invités à ne pas nous attarder… Voilà tout le secret de notre « expulsion ».

Puisqu'on en était aux mises au point, nous avons demandé à Julian Beck ce qu'il en était des bruits relatifs à un prochain « sabordage » du Living Theatre.

— Là aussi, nous a-t-il dit, on a exagéré. Ce qui est vrai c'est qu'après dix-huit ans d'existence, nous avons le sentiment d'être devenu une institution et que nous croyons le temps venu de nous reconvertir, afin de « renaître ». Nous allons donc nous retirer, faire retraite pendant un certain temps. Nous étudierons la nouvelle forme de spectacle qui nous paraitra répondre le mieux à l'objectif que nous entendons poursuivre désormais : nous adresser aux déshérités de la culture. Et quand ce sera au point, nous reprendrons notre bâton de pèlerin...

— R.P.

Auteur R.P.

Publication La Dernière Heure

Performance(s)

Date(s) 1969-12-10

Artiste(s)

Compagnie / Organisation