Archives du Théâtre 140

THEATRE l40

service de presse

saison 69/70

Avant première /LIVING THEATRE

Au THEATRE 140

Retour d'Amérique

Le LIVING THEATRE DE NEW YORK

dans

PARADISE NOW

(au Théâtre 140 du 10 au 13 décembre à 20h30 et le 22 décembre à 20h30 dans le Hall 10 du Centenaire/Heysel)

et

MYSTERIES_AND_SMALLER_ PIECES

(au Théâtre 140 du 18 au 21 décembre à 20h30)

Le LIVING THEATRE et le THEATRE 140

Il y a dans la rencontre du LIVING THEATRE et du Théâtre 140 la part de la détermination et la part du hasard. En décembre 64, voilà cinq ans, le LIVING répétait "MYSTERIES" dans une immense ferme à Heist que leur prêtait le Baron Allard, tandis que Judith Malina et Julian Beck vivaient aux U.S.A. leurs derniers jours de prison (nous en parleons plus loin).

Le Théâtre 140 annonçait en janvier un spectacle qui devait procéder du happening, du free theatre et c'était comme une page blanche que l'on répugnait à remplir. Alors, nous avons rencontré longuement le Living à Heist; ils préparaient leur spectacle comme un jeu grave destiné à les occuper les jours de pluie, comme une discipline horaire, les vêpres du Living Theatre en exil. Nous avons mangé avec eux, parlé, peu, et c'est un peu l'équivalent de certains "dimanche en famille",le feeling plus que la confrontation.

Et nous avons décidé de présenter "MYSTERIES" ensemble, et le THEATRE 140 pendant huit jours s'est appelé le LIVING THEATRE ; nous étions reçu chez eux. Chaque fois les années suivantes ce fut la même chose, avec "Frankenstein","Antigone" et maintenant "Paradise Now" et à nouveau "Mysteries".

UN THEATRE DE REPONSES

De ce qu'ils nomment "un théâtre de questions" et qu'ils jouaient en Amérique,les Beck sont passés, en Europe, à ce qu'ils nomment "un théâtre

de réponses".Théâtre de questions signifie théâtre de critique sociale (celui de Brecht, par exemple). Le théâtre de réponses n'ayant pas encore trouvé ses auteurs, le LIVING en est venu peu à peu à interpréter ces pièces de pure mise en scène collective ("Mysteries"), sans texte ou presque, qui ont fait sa réputation à Bruxelles,à Paris et à Amsterdam.

"Paradise now" leur création avignonnaise,appartient à cette catégorie. Ils disent qu'il s'agit de "leur premier spectacle de Joie". Pendant trois mois à Cefalu,en Sicile, où ils étaient les hôtes du Club Méditerranée,les 34 comédiens ont rêvé au visage que prendrait la société après "la belle révolution anarchiste non violente". C'est l'expression gestuelle, canalisée, élagué par les Beck, de ce grand brassage d'idées collectifs qui constitue le spectacle. Beaucoup de spectateurs n'y verront qu'un extraordinaire travail de mise en scène. Il n'a pourtant demandé qu'un très petit nombre de répétitions. C'est ce qui le supporte : les idées, leur recherche, leur choix, qui a pris le plus de temps.

PARADISE NOW

On connaît Julian Beck, Judith Malina et leurs comédiens, l'existence nomade qu'ils mènent, le confort qu'ils refusent, le communisme effectif qu'ils critiquent dans leur vie quotidienne, le combat qu'ils conduisent contre tous les tabous, leur violence proclamée (serait-ce par le moyen de la provocation théâtrale), leur adhésion aux spiritualités orientales, le bouleversement enfin qu'ils ont apporté à l'essence même du théâtre en brisant les rapports classiques entre l'acteur et le public.

Le LIVING entrait à Avignon le 13 mai 68. Il n'y a pas que la date qui soit paradoxale. Il occupe aussitôt le vieux lycée Mistral qui servait jusqu'alors de cantonnement aux CRS, futurs personnages de la fête avignonnaise. Très vite il sent la population, presque entière, dressée contre lui, derrière ses notables. Le travail de préparation de "Paradise Now" se poursuit alors d'un climat extrêmement oppressant. Le jour où de jeunes révolutionnaires de Mai arriveront dans la ville, la compagnie les hébergera dans sa vaste bâtisse, comme elle le fait de tous les errants qui lui ressemblent,mais elle réprouve toujours le choix qu'ils ont fait de la révolution violente.

Julian Beck va plus loin. Attaqué, dans sa chambre, par une bande de voyous, il déclare: "Nous refusons d'être protégés par une police qui est le soutien principal d'une civilisation que nous voulons voir disparaître. Que ceux qui nous ont attaqués reviennent. Nous voulons parler avec eux, les comprendre et nous faire comprendre."

L'HISTOIRE DU LIVING THEATRE DE NEW YORK

Les étapes sont innombrables. Pierre Biner les a scrupuleusement reconstitués dans le livre qu'il vient de consacrer au Living Theatre. De la cave, les Beck se transportent dans leur appartement; ensuite au Cherry Lane Theatre; puis dans un grenier de la 100e rue; enfin, au Living Theatre, à l'angle de la 14e rue et de la 6e avenue. Ils y resteront quatre ans (de 1959 à 1963), jusqu'à ce que l'IRS (la brigade des impôts) les en chasse.

Ils y créeront 10 spectacles dont leurs deux plus grands succès: "The connection" de Jack Gelber (réunis dans une chambre, des drogués, dont quatre musiciens de Jazz, attendaient leur pourvoyeur) et "The brig" de Kenneth H. Brown (les rapports gardiens-prisonniers dans une cellule disciplinaire de Marines) qui sont devenus des films.

L'explusion des Beck du Living Theatre est déjà une page de l'histoire du théâtre puisqu'on en a fait une pièce : "Le Procès de Judith Malina et de Julian Beck", jouée à New York par l'Open Theatre. L'incident dura 4 jours et permit aux comédiens de parfaire une technique de la résistance non-violente ("sit-in") mise au point au cours de protestations précédentes contre les exercices de défense civile, contre la course à l'armement atomique et surtout à l'occasion de la grève générale mondiale pour la paix déclenchée par les Beck en mai 1963.

Leur procès s'ouvrit à New York en mai 64. Les chefs d'accusation étaient nombreux. Les Beck nient l'argent - "chaque fois que j'accepte un dollar de quelqu'un, je me sers du système guerrier et sanglant que les hommes ont adopté pour leurs échanges" dit Judith Malina - ils en devaient donc un peu à tout le monde. Julian Beck encourait dix-neuf ans de prison et 26.000 dollars d'amende. Ils refusa de prendre un avocat et, jouant les deux rôles, il posa les questions et fit les réponses, ce qui lui valut deux mois de prison. Judith Malina encourait 8 ans de prison et 10.500 dollars d'amende. Pendant la lecture du verdict, au moment précis où fut prononcé le mot coupable, elle cria "innoncente". Elle fit condamnée à un mois de prison.

Ayant acquitté leur dette envers la société américaine, ils auraient pu

reprendre leurs activités, mais profondément ulcérés, ils décidèrent de s'exiler et, à Londres, Bruxelles et Paris leur offrant des contrats, ils partirent pour l'Europe avec leurs comédiens. Car les Beck ne sont pas des gens qui jouent la comédie pour amuser. Leur théâtre est une défense et illustration permanente de leur conception du monde. Prétendre l'apprécier tout en méconnaissant ou en méprisant ce qui le motive et le nourrit équivaudrait à aimer lire Marx pour le balancement de ses phrases.

MYSTERIES AND SMALLER PIECES

Le second spectacle présenté en Belgique cette année par le Living a été créé au Théâtre 140 il y a près de 5 ans. Honni par les officiels lors de la première, ovationné par le public du lendemain; qui alla jusqu'à la participation sur scène dans un esprit d'une extraordinaire ferveur. Un spectacle d'un grand ascétisme qui était une réponse "parallèle" à la question : qu'est-ce que le happening? "MYSTERIES" correspond précisément au dépassement du happening, de son "pittoresque" lorsque celui-ci tend a scandale visuel, au divertissement pour mondains initiés.

Les "Mysteries" sont des exercices de comédiens, sans artifices, mis au service d'une philosophie, celle qui anime le Living Theatre "à bas la police","stop the bomb", "arrêtez les guerres","libérez les noirs": ces slogans, les comédiens du Living Theatre les lancent chaque soir lorsqu'ils interprètent "Mysteries and smaller pieces".

PARADISE NOW dans un local sans fauteuils

Trop de gens - plus spécialement tous les étudiants - veulent voir "PARADISE NOW" et le Théâtre 140 ne pourra tous les contenir durant les 4 jours de représentations. Le Hall 10 du Heysel (Centenaire) les accueillera le 22 décembre. On s'asseoira sur son manteau, le lieu sera chauffé. La scène sera construite au milieu des spectateurs.

Retour d'Amérique

Le LIVING THEATRE DE NEW YORK

pour 9 représentations seulement à Bruxelles

dans PARADISE NOW du 10 au 13 décembre au Théâtre 140 et le 22 décembre dans le Hall 10 du Heysel

et dans MYSTERIES AND SMALLER PIECES du 18 au 21 décembre au 140.