Archives du Théâtre 140

La Dernière Heure

10-1-1970

Un spectacle inquiétant « L'humour bête et l'autre »

Les animateurs du 140 n'ont pas démenti leur réputation, jeudi soir, en proposant les bizarreries de la troupe française de Jérôme Savary, le « Magic Circus et ses animaux tristes ».

A théâtre d'avant-garde, spectacles inédits, c'est bien connu.

Seulement, après le passage du « Living Théâtre », on pouvait s'attendre à tout et les amateurs de contestations et de saugrenu se pourléchaient les babines. Si les premiers furent peut-être déçus, les originaux furent à la fête.

Le « Magic Circus » ne versa pas dans les vulgaires lamentations révolutionnaires, mais dès les premières minutes, plongea dans un carnaval surprenant auquel parfois, les spectateurs étaient invités.

Tantôt, au son d'une fanfare tonitruante, tantôt aux accents bouleversants d'une musique « pop », les artistes vêtus de pagnes, de peaux de bête ou d'oripeaux carnavalesques, triturèrent d'une manière virulente et cruelle, les grands tabous de l'Histoire et des Arts, tout en saupoudrant la farce de petits drames grivois, mais combien fréquents de la vie quotidienne.

Les scènes d'un comique et d'une candeur insolents — dont l'évocation de la vie du peintre Gauguin à Tahiti et la folie de Van Gogh ne sont pas les moins amusantes — se veulent « pédagogiques » et c'est bien vrai. Malgré toute absence de logique, la leçon porte ses fruits avec le dernier tableau « La campagne de Napoléon en Russie ».

La salle est plongée dans d'opaques nuages de fumée provoqués par des feux de Bengale, les spectateurs se lèvent, sortent à tâtons, suffocant et l'âme inquiète après ce spectacle pas comme les autres et qui brise toutes les conventions.

M.D.S.