Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

11-1-1970

THEATRE 140

L'humour bête et l'autre

SOUS le titre « L'humour bête et l'autre », Jérôme Savary présente, sur la scène du Théâtre 140, « Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes ». Il s'agit, nous dit-on, d'« une gigantesque parade à double fond », d'un « carnaval pop art, horrible et bon enfant », d'un humour qui « est logé dans le contrepied de la situation, le parti pris tonifiant de misérable comique ». En fait, qu'avons-nous vu et entendu? Des vers de Hugo récités par un clown. Des musiciens qui lancent dans la salle confetti et morceaux de sucre avant de piétiner une théière. Une scène de l'« Ecole des femmes » jouée par un Arnolphe-Tarzan et une Agnès lubrique. Un mélodrame-express. Une danse tyrolienne, une danse orientale, un vrai bébé avec sa nourrice. Un avaleur de sabres maladroit, dont la bouche dégouline de sang. Des tableaux vivants sur la vie de Gauguin et de Van Gogh, pimentés d'humour noir. Des feux de Bengale et des pétards fumigènes qui font fuir les spectateurs des premiers rangs. Un pastiche du « Living » et encore un peu de musique. C'est tout.

Voilà pour l'inventaire. Ajoutons que tous les comédiens jouent et chantent faux. Délibérément? C'est probable, encore que cela ne soit pas plus drôle pour autant. Sur le terrain du « non sense », les Français sont toujours battus par les Anglo-Saxons. Les Branquignols n'ont jamais pu refaire « Helzapoppin » et les « animaux tristes » de Jérôme Savary ne valent pas les « British Rubbish ». Parfois nous avons souri et, un moment, nous avons distinctement entendu rire quelques spectateurs. Peut-être aurions-nous apprécié davantage, dans une petite salle de cabaret et après un dîner copieux, ces « gags » pas bien méchants et gentiment désuets qui nous faisaient rire il y a vingt ans dans les caves de Saint-Germain-des-Prés. Ah! si Dekmine nous avait présenté cela à la Poubelle ou à la Tour de Babel à l'époque de notre jeunesse folle! Ces vieux clowns fatigués réussiront-ils cependant à faire rire quelques jeunes d'aujourd'hui? C'est possible...

Des réserves.

J. H.