Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

2-3-1970

Au Théâtre 140

« HUNKA HUNKA »

par le studio d'Amsterdam

« Hunka Hunka » est un spectacle off-off-Broadway typique, joyeux, décontracté, professionnel et subversif sans intellectualisme. Avec des concessions, c'est vrai.

Cette comédie musicale, présentée au Théâtre 140 par le Studio d'Amsterdam se présente comme un show « provo » vaguement inspiré de Shakespeare (« La Nuit des Rois ») sur une musique lointainement inspirée de Bach. Ce n'est pas la première fois que nous voyons des classiques « émancipés » par une jeune compagnie, mais ces arrangements avaient presque toujours plus de prétention que d'existence. Ils sortaient, ou armés, du cerveau de petits intellectuels en mal de génie.

Les garçons et les filles du Studio d'Amsterdam (Brakke Grond) n'ont pas du tout l'air de lecteurs du « Nouvel Ob » déguisés en provos. Leur signalement ne répond pas davantage au type du « provo » aigri. On se trouve en présence d'un groupe solide, rieur, plein d'une santé à toute épreuve, pratiquant l'anticonformisme avec un clin d'œil vers la salle. Pour le reste, d'excellentes voix, le sens du rythme, une précision de jeu époustouflante, une bonne humeur communicative. Il n'en faut pas plus pour composer une soirée colorée, scandée, sous l'oeil amusé d'un Shakespeare trahi et content.

La pièce est de Donald Driver, Hal Hester et Danny Apolinar trois animateurs off-off-Broad-way. Elle a été, on s'en doute, largement adaptée. Dans le texte néerlandais de Gerrit Kouwenaar, les allusions à l'actualité sont nombreuses. Interrompant de temps à autre l'action (?), des masques surgissent du décor pour commenter les événements : M. Luns, l'actuel ministre des Affaires étrangères, souvent visé par les caricaturistes amstellodamois, et M. Drees, ancien Premier ministre. La droite et la gauche. En plein milieu de la fête « hippie », M. Luns intervient, par exemple, pour constater : « Ceci n'est pas représentatif du peuple néerlan-mais ». Ce n'est pas bien méchant.

Le texte? Même avec un« parfaite connaissance du néerlandais-flamand, on ne comprend pas tout. Mais finalement, les dialogues ont moins d'importance que les chansons et les rythmes.

Le Studio d'Amsterdam a donné, pendant le week-end, deux représentations de « Hunka Hunka » au Théâtre 140. La comédie musicale se joue depuis quatre mois. C'est dire que les acteurs - chanteurs - danseurs ont la pièce dans les jambes. Le spectacle, parfaitement rodé, cavale à une allure folle, dans un chassé-croisé incessant de travestis, de couleurs et de déguisements. Johan Greter, responsable de la mise en scène et du décor, a ordonné tout cela avec un sens évident du show à l'américaine ramené à l'échelle d'un petit plateau.

Tout n'est pas innocent dans ce spectacle, et on aurait pu se passer de quelques scènes d'un goût douteux, et de quelques échontillons de la langue verte. Aussi le spectacle s'adresse à un public adulte.

J.S.