Archives du Théâtre 140


Au 140, je ne pense qu'à ça



La Dernière Heure

4-3-1970

« Je ne pense qu'à ça »

Après avoir créé la première œuvre scénique du dessinateur Wolinski, « Je ne veux pas mourir idiot » (suite de saynètes et réflexions burlesques, mais impitoyables, inspirées par la contestation de mai 1968), le Théâtre 140 accueille aujourd'hui le deuxième ouvrage du même auteur, « Je ne pense qu'à ça », que le Théâtre Gramont, de Paris, a monté avec succès, voici quelques mois.

Contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire, « Je ne pense qu'à ça » n'est pas une pièce érotique. Ce n'est d'ailleurs à proprement parler pas une pièce, mais d'abord et avant tout un spectacle. Un spectacle construit à partir des dialogues, lesquels ont été fignolés au cours des premières répétitions pour les rendre plus drôles, plus incisifs, plus percutants. Et ce n'est qu'après coup que Wolinski et son complice, le réalisateur Confortés, se sont souciés d'établir une sorte de scénario destiné à donner son unité apparente à l'ouvrage. Unité apparente car son unité réelle est dans son thème : la démystification de l'érotisme, qui n'a jamais fleuri comme aujourd'hui, où il est devenu un des supports de la société de consommation.

Mais chez Wolinski et Confortés, la démystification ne prend jamais l'apparence sévère d'une leçon de morale. Considérant que le meilleur moyen d'atteindre leur objectif est de faire rire, auteur et réalisateur, de concert, ont imaginé une série de très courtes scènes où ils s'en prennent à l'érotisme sur le mode burlesque. Chacune de ces scènes est traitée un peu — ce qui n'a rien d'étonnant puisque Wolinski, nous l'avons rappelé, est un dessinateur humoristique — à la manière d'une bande dessinée et les dialogues dans le style net, rapide, efficace des « bulles ». Et tant mieux si, mises bout à bout, ces bandes dessinées finissent par constituer une sorte de feuilleton.

Au total, on rit de bon cœur, presque de bout en bout à ce spectacle dont Claude Confortés a réglé l'animation sur le rythme vif exigé par un tel sujet. A l'une ou l'autre outrance près, la représentation — qui se complait dans une suave paillardise rabelaisienne — ne heurte pas le bon goût.

Une excellente musique d'accompagnement et des chansons, dont certaines pourraient s'imposer, ont été composées spécialement par Evariste, dont la malice rejoint celle de Wolinski.

Quant à l'interprétation, elle est assurée par un groupe de jeunes pleins d'entrain, qui témoignent d'une formation complète et qui exécutent des pas de danse ou chantent un refrain avec le même brio qu'ils animent un sketch. Si l'on retient surtout la prestation de Florence Giorgetti, c'est parce qu'elle surtout donne l'impression de sortir tout droit d'une bande dessinée. Mais ses partenaires Gérard Croce, Georges Beller, Didier Kaminda, Philippe Ogouz, Dominique Maurin et les agréables « micro-jupées » Chantal Aba et Dorte animent avec une égale réussite cette plaisante satire de mœurs à propos desquelles un des personnages dit justement : « Lorsque tout est permis, rien ne fait plus plaisir ».

R.P.

Auteur R.P.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) Je ne pense… qu'à ça

Date(s) du 1970-03-02 au 1970-03-07

Artiste(s) WolinskiClaude Confortès

Compagnie / Organisation