Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

9-2-1971

AU THEATRE « 140 »

Le groupe « pop »

Emerson, Lake and Palmer

Quand voici trois ou quatre ans, Jo Dekmine prit l'initiative d'inviter au Théâtre « 140 » des groupes de « Pop Music », il visait à piquer la curiosité d'un public blasé et trop sollicité… Ses efforts sont à présent récompensés.

Les concerts de samedi et dimanche ont répondu à ses voeux. Emersom, Lake and Palmer ont fait salle comble, tout en captivant le public. Révélation incontestée du festival de l'île de Wight, Emerson, Lake and Palmer est un tout jeune groupe anglais qui a acquis directement, grâce à la présence du célèbre Keith Emerson, la notoriété dans le monde du spectacle.

Pur virtuose et maître de son orgue comme peu le sont, Emerson a été le leader de la prestigieuse équipe des « Nice > dont la spécialité était de donner des concerts en collaboration avec l'un ou l'autre orchestre symphonique (généralement le Grand Orchestre Philharmonique de New York). Les « Nice » auront été les premiers à concilier musique classique et frénésie musicale, les « Nice » avaient réussi à les fondre et à donner naissance à un amalgame plus riche, davantage rythmé, tout en gardant la finesse et la sensibilité du style « sérieux ».

Le « Nice » est mort, mais son œuvre subsiste. Emerson a repris le bâton de pèlerin. En compagnie de nouveaux compères, il poursuit le long chemin qui mène â la découverte de sonorités inédites.

La première partie du concert consiste en une exhibition non-stop de ce soliste frénétique, bourré de talent. Il règne sur son instrument, qu'il le caresse du bout des doigts, qu'il le « martyrise » ou lui extorque les sons les plus sauvages et déchirants... Sûr de ses dons, il laisse parfois percer quelques manifestations du plaisant « cabotinage », en jouant au pitre, mais l'essentiel est qu'il offre au public un festival de couleurs et de sons dont la brutalité fait bon ménage avec de tourbillonnants rondos poétiques. A retenir encore : les expériences issues d'instrument « effrayant », plein de fiches et de boutons argentés, qui propose des « visions » acoustiques surprenantes, de la locomotive hantée des westerns poussiéreux à celles d'un monde interplanétaire.

La seconde partie est plus calme, les trois musiciens étalant surtout leurs dons d'instrumentistes. Ils assimilent constamment un jazz, techniquement parfait, à la musique classique. Le rock bon teint reprend, sous leur emprise, toute son agressivité foncière, tandis que la chaleur du beat négro-américain dégage assez paradoxalement une ambiance intime...

Non pas un grand concert de musique pop mais bien un véritable festival des meilleures formules musicales d'aujourd'hui.

M. T.