Archives du Théâtre 140


'Fata Banana' par le 'Scarabée' de La Haye. Tableaux vivants, pop art et acteurs au régime: un spectacle résolument neuf et beau



Le Soir

5-6-1971

AU THEATRE 140

« FATA BANANA »

par le « Scarabée » de La Haye

Tableaux vivants, pop'art et acteurs au régime : un spectacle résolument neuf et beau

Depuis vendredi soir, Bruxelles a la chance d'accueillir au Théâtre 140, dans le cadre du vingt-cinquième anniversaire des accords belgo-néerlandais, un beau spectacle, résolument neuf, conçu, produit et réalisé par la troupe « Scarabée » de La Haye. Le titre, hélas! n'en rend guère la saveur. II faut sans doute y voir, chez ses auteurs, une volonté de dérision supplémentaire.

Le principal promoteur de cette nouvelle forme théâtrale, d'où tout dialogue est scrupuleusement banni — comme tout jeu dramatique traditionnel d'ailleurs — le peintre Adri Boon a, on s'en doute, profondément marqué de son sens plastique une création qui se veut collage, puzzle, rébus (au choix) dont l'image, le son, le mouvement et les formes se révèlent les principaux moteurs.

Réalisateurs, machinistes et comédiens interviennent dès lors comme instigateurs et soutiens d'un mouvement pictural aussi inlassable que spectaculaire. Si les acteurs, en effet, ne prêtent en fin de compte que leur présence physique, le plus souvent figée ou hiératique évoquant les tableaux vivants chers au théâtre en noir de Prague ou à Laterna Magica, c'est pour permettre aux auteurs du spectacle de développer et d'illustrer l'absurdité cinématographique ou journalistique de l'actualité. Les comédiens deviennent donc constats, rejettent délibérément toute activité théâtrale pour susciter la naissance d'une critique de l'information, de ses contradictions, de ses leurres et de sa philosophie rassurante au travers des différentes techniques scéniques, parfaitement coordonnées et souplement administrées.

De courtes bandes cinématographiques projetées sur des écrans situés à différents niveaux, des projections lumineuses, des décors et des accessoires coulissant sur rails, des géométries visuelles en perpétuelle transhumance, des maquettes papillotantes se chevauchent et se surimpressionnent de la sorte en ce qui ne serait finalement qu'un jeu s'il n'existait dans le propos des auteurs une volonté de dénonciation, de critique et de prise de position politique, notamment à l'égard de l'impérialisme américain et du fascisme pris à partie dans ce jeu pictural où la dérision, le sarcasme et l'humour mènent la danse.

Quant au décor sonore et musical, le « Scarabée » l'envoie directement dans l'oreille du spectateur par l'intermédiaire d'écouteurs mis gracieusement à sa disposition. Et, dans une volonté ludique évidente — on pourrait y ajouter : dans un souci de réflexion — la troupe néerlandaise invite à trois reprises l'auditeur à choisir un des deux canaux sonores disponibles.

« Fata Banana » a été présenté avec un grand succès au Stedelijk Museum d'Amsterdam et à la Biennale de Paris. Les curieux de Belgique ne peuvent manquer l'aubaine qui leur est offerte de voir un spectacle jeune, beau et original.

André DROSSART.

Auteur André Drossart

Publication Le Soir

Performance(s) Fata Banana

Date(s) du 1971-06-04 au 1971-06-06

Artiste(s) Scarabee (Den Haag)

Compagnie / Organisation