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Enfin révélé: 'Zartan frère mal aimé de Tarzan'



THEATRE 140

saison 71/72

service de presse

avant première/ZARTAN

Au THEATRE 140

du 25 au 28 novembre à 20 h 30 et les 3 et 4 décembre à 20 h 30

Enfin révélé

"ZARTAN FRERE MAL AIME DE TARZAN"

par le Grand Magic Circus de Jérôme Savary

le triomphe flagrant et inattendu du Grand Magic Circus à Paris révèle la naissance d'un nouveau public..

Un public qui allait peu au théâtre ou alors aux halles avant la destruction, au Café-Théâtre accidentellement, au cinéma beaucoup. Le lecteur du "Figaro" ne représenterait donc plus le gros de la fréquentation des théâtres parisiens comme c'était la loi jusqu'à présent! Un mauvais papier dans ce journal et la pièce était menacée de faillite. Cela en dit long sur la tendance immobiliste qui a régné et règne encore au boulevard de la Madeleine à Monparnasse…

Que s'est-il passé?

Le théâtre que le 140 a rendu familier est d'essence marginale, coupé des fonds privés et officiels en France et en Angleterre, présenté dans des théâtres de fortune, menacé à la tête par l'absence de locaux de répétition.

Cela n'a pas empêché les réussites isolées que nous savons; Dubillard et Lavelli au Lutèce, au Poche Monparnasse, Bourseillier au Studio des Champs-Elysées (devenu lui très officiel), Garcia au Théâtre des Arts, Rufus à la Vieille Grille, déjà Jérôme Savary au Plaisance avec "Le labyrinthe" d'Arrabal... Mais c'est toujours à recommencer, les victoires ne sont pas contresignées par la presse officielle ni par les radios. Sur ce plan, à la même époque Bruxelles est plus avancé.

Jérôme Savary,son Magic Circus et ses animaux tristes

sont une plaque tournante quant à l'idée que nous nous faisons du théâtre, littéraire et rassurant, ou disponible jusqu'à la panique joyeuse.

Il fallait délivrer le théâtre du théâtre, pour pouvoir lui revenir plus proprement. Jérôme Savary et ses acolytes s'en sont chargé. Comment? En 1967, Savary avait monté à la Biennale des Jeunes de Pari le "Radeau de la Méduse". Il avait suspendu entre scène et balcon un filet représentant la mer, où venaient mourir les naufragés, presque nus, à quelques centimètres au-dessus des spectateurs. C'était encore de la mise en scène. Mais dès 68, au théâtre Plaisance, dans le tumulte des singes hurleurs et des jeux d'orgues, le carcan volait en éclats. On en vit de belles à Plaisance: une scène transformée en bar, les spectateurs invités à danser, des acteurs acrobates qui bondissaient au bout d'une corde, une malle sanglante, des jeux de scène qui se poursuivaient au bistrot d'à côté; c'était la décomposition du théâtre, l'éclatement du lieu scénique, la mise en question de la salle. Depuis,le "Circus" a beaucoup joué en plein air, au Central Park de New York, dans les rues et les jardins de Paris, à plusieurs reprises au "140", quelquefois pour accompagner des actions militantes, des distributions de tracts. C'est là qu'ils sont le mieux: le verbe haut, accrocheurs, rigolards. Mais le plein air à Paris: interdit. "Ou bien tu joues au théâtre et le spectateur n'a qu'à se taire. Il n'a qu'un seul droit: s'asseoir. Ou bien tu joues dans la rue et on te coffre. Notre copine Valérie, l'autre jour, elle imitait le chant du coq. Deux poulets ont pris ça pour eux, elle a passé la nuit au poste".

Le secret du "Circus", c'est son rapport avec le spectateur. "Le théâtre, on s'en fout. C'est un prétexte, une excuse. On n'est pas là pour s'exprimer, montrer notre talent. L'axe principal ne va pas de nous au public, mais directement du public au public. Il s'agit de vivre ensemble, un moment, une fête collective. Casser le mur qui sépare les gens, qui les tient cloîtrés, encrassés, paralysés, enfermés dans leur quant-à-soi."

Quand Savary entend le mot "culture", il sort son trombonne à coulisse

"Ses références: tout un kaléidoscope d'images populaires ou enfantines qui nous trottent dans la tête depuis toujours. Il n'a pas son pareil pour remonter à la source de notre inconscient et débusquer les mythes qui s'y cachent, attendrissants ou nostalgiques : Mandrake, Aladin, les quarante voleurs, Little Nemo, King Kong, le jongleur de Notre-Dame, les chansons de marins, Daddy Long Legs, Mary Pickford, le cirque, le zoo, la foire, le music-hall, Mack Sennet, les rois Mages, Sophie et ses malheurs ... Le grand fleuve de la tendresse humaine. Savary l'enferme dans une tête de gorille qui vous récite une comptine."

Brecht désempaillé

"Au Circus, pas de psychologie. On ne représente pas, on présente. On ne vit pas son personnage, on le raconte. Tableaux, sont encadrés par les harangues du bateleur. C'est du Brecht désempaillé. La distanciation s'obtient par l'exagération et la farce. On s'approprie tout ce qui se passe: une radio qui fonctionne, un type qui téléphone, un chien qui se trouvait là. Le ratage, la réussite, c'est du pareil au même. Vous voulez entrer dans la ronde, faire votre numéro de claquettes, votre tour de cartes, vous exprimer, donner votre avis? N'hésitez pas : vous tombez toujours bien. Le triomphe, pour le "Magic Circus", c'est quand les gens prennent en main le spectacle, arrachent leur col dur et se mettent à l'aise pour taper sur la grosse caisse. Théâtre proliférant - qui bouffe tout, qui donne du coeur au ventre, qui se dilue dans la vie quotidienne, qui ne fabrique pas des comédiens, mais des gens un peu plus libres, un peu plus décidés à ne pas se laisser faire."

Comme Julian Beck, Rufus, Romain Bouteille, Jérôme Savary est très important dans l'histoire du 140.

"Le labyrinthe" monté par Jérôme était il y a quatre ans multiplement décrié, inquiété et extirpait de sa manière un public Bruxellois, fait d'individualistes séduits, qui ne s'était jamais improvisé au théâtre. Un public méfiant, qui n'aime pas qu'on l'enrôle, qu'on l'abonne.

Puis est venu au 140 la première mouture du Magic Circus, mal à l'aise dans une salle à fauteuils numérotés, reçu comme un merveilleux brouillon, qui aurait fait passer les British Rubbish pour des fignoleurs!!

Quelques extraits de presse précisent l'aventure parisienne de "Zartan, frère mal aimé de Tarzan" :

"... Les fines bouches disent : "C'est pas du théâtre, il n'y a pas de texte." Il n'y a pas de texte. C'est trois heures de jubilation sans un seul mot bête et il n'y a pas de texte! C'est le spectacle le plus "total", comme ils disent, qu'on ait jamais vu, et c'est pas du théâtre! Si le théâtre, c'est ce qui ennuie tout le monde, alors, c'est pas du théâtre. Mais si le théâtre, c'est la vie, l'invention, la fantaisie, la poésie, la musique, les machins magiques et les animaux tristes, alors, là, oui, c'est du théâtre ..."

"Attention, on va vous raconter une histoire, celle de Zartan, le cousin mal aimé de Tarzan. Le "Magic Circus et ses animaux tristes" de Jérôme Savary nous montrent à la façon des conteurs de foire l'épopée de Zartan, né dans la jungle, fils de l'explorateur Lee et de sa femme ... Devenu grand et recueilli par les singes, nous voyons Zartan amoureux d'une rousse explosive nommée Madame Louise (de Paris!). Il parcourt le monde pour la retrouver, de l'Amazonie à l'Afrique en passant par le Congo, suivi fidèlement par une petite singesse ... Mais il y a aussi des poulets en liberté qui grimpent sur le dos des spectateurs et mangent des confettis des trompettes en mesure, celles de la fanfare de Noisy-le-Sec (mais est-ce la vraie?), il y a un cheik arabe, ancien vendeur de légumes boulevard Poissonnière et son harem de trapézistes surgis d'on ne sait où cavalant sur nos têtes, des serpentins, des confettis ...

Il y a aussi ... dans l'inventaire du Magic Circus une institutrice folle, un prêtre-organisateur-de-spectacle-pour-bidonvilles, des bananes qui font de la musique, des cannes en caoutchouc, et une tombola où on gagne des faux-nez avec ou sans moustache (au choix). Il y a la reine d'Angleterre que l'on retrouve mariée à Zartan, vieilli et engraissé, et une satire sociale féroce dans toute cette parodie de Tarzan, l'homme signe, où même les enfants peuvent aller. (note du 140: ceci est une appréciation qui n'engage que la journaliste).

"Le lord de la jungle subit, impuissant, le ricanement ostensible des sapajous criards et son fameux rugissement fait littéralement rigoler les rongeurs dans les branches des fromages géants.

C'est au "Grand Magic Circus" qu'on doit ce spectacle mélancolique: la chute d'une idole, l'exécution sommaire d'un symbole. Ils s'y sont mis à quinze, des musiciens, des acrobates avec des slips en peau de gorille. Ils gesticulent dans les palmeraies en carton, les dunes en contre-plaqué, dans une tempête de feux d'artifice, de fumigènes, de pétards, de brouillards artificiels.

Attention: "Zartan" est intellectuellement et moralement parfaitement irréprochable, mais le ton irrespectueux et libéré qui y règne pourrait froisser ceux que précisément tout choque.

Nous déconseillons "Zartan" au moins de 18 ans dont ce ne doit pas être la première nourriture au théâtre.

Ce communiqué de presse l'explique assez clairement.

"Zartan, frère mal aimé de Tarzan" par le Grand Magic Circus de Jérôme Savary, au Théâtre 140 du 25 au 28 novembre et les 3 et 4 décembre,

et, à Verviers, le 29 novembre

à Louvain, le 30 novembre

à Liège, le 1er décembre

à Tournai, le 2 décembre

Auteur

Publication [persbrochure]

Performance(s) Zartan, frère mal aimé de Tarzan

Date(s) du 1971-11-25 au 1971-11-28

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes