Archives du Théâtre 140


'Zartan, frère mal aimé de Tarzan'



La Dernière Heure

28-11-1971

Au 140

« Zartan, frère mal aimé de Tarzan »

Avec la publicité délirante que lui a faite la radio, ces derniers jours, il est probable que tout le monde en Belgique a entendu parler de « Zartan, frère mal aimé de Tarzan », que présente le Grrrand Magic Circus de Jérôme Savary, avec ses animaux tristes, ses palmiers et ses percussionnistes. Tout le monde en a entendu parler, mais personne ne sait ce que c'est exactement ce spectacle, le plus fou de l'année et certainement un des meilleurs.

Après trois heures de folie, quant on sort de la salle en se frottant les yeux embués par la fumée et le rire, on ne le sait pas plus. Tout ce qu'on sait, avec certitude, c'est que les animaux tristes sont dans la salle, et pas sur scène. Les vrais défroqués sont en col et cravate, et pas en slip de peau de singe généreusement lardé d'épingles de nourrice.

Ce n'est pas du théâtre, c'est de la tranche de vie. Enorme, épaisse, juteuse, fumante et sanguinolente, emballée dans une peau de banane et servie à même les genoux. Dégoûtés s'abstenir : il faut s'en mettre plein les doigts, la gueule, jusqu'à ce que ça colle et qu'on se sente bien, heureux de vivre, heureux de rire avec Jérôme Savary, le clown triste qui commente — avec la voix de Reggiani — les aventures de Zartan au bal de l'Aca, avec fanfare et singes.

Ce serait, par excellence, un spectacle de réveillon. Malheureusement, le safari au pays des grands singes, des danseuses nues et des palmiers de carton ne durera pas jusque-là. Le 4 décembre, la camionnette minable du Magic Circus rembarquera oripeaux et palmiers de carton pour s'en aller ailleurs choquer les bonnes âmes avec la nudité intégrale de Mlle Louise de Paris (une rousse véritable), le slip du franciscain et les poitrines nues des « singesses » de Zartan. Sans oublier la gracious Queen, les pétards, la grosse caisse, et la poule savante.

Pour autant, évidemment, qu'on veuille bien « faire » le réveillon en pull et blue-jeans. Parce que la tranche de vie, on vous la sert en musique, mais sans serviette. Et que les acteurs (qui vous marchent allègrement sur les épaules) ont les pieds sales. Dame! Trois heures en scène, les pieds nus.

Un mot encore : « Zartan, frère mal aimé de Tarzan » est un spectacle hautement moral, qui ne fait pas la moindre concession à l'érotisme. Autant le dire d'avance et mettre les choses au point.

Parce que, pour le reste, il transcende nettement l'esprit post-conciliaire...

Steve POLUS.

Auteur Steve Polus

Publication La Dernière Heure

Performance(s) Zartan, frère mal aimé de Tarzan

Date(s) du 1971-11-25 au 1971-11-28

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes