Archives du Théâtre 140


'Zartan, frère mal aimé de Tarzan' par le Grand Magic Circus et ses animaux tristes ou de trop longues 'Chroniques coloniales'



La Métropole

29-11-1971

AU THEATRE 140, A BRUXELLES

« Zartan, frère mal aimé de Tarzan »

par le Grand Magic Circus et ses animaux tristes ou de trop longues « Chroniques coloniales »

Jerôme Savary ne nous dit pas que nous avons eu tort d'accorder une place à Tarzan, parmi les héros issus des lectures de notre enfance. Avec le Grand Magic Circus qu'il anime et qui nous vient tout droit de Paris, il n'a pas voulu faire à proprement parler une démystification du « maître de la jungle ». S'il prend les vigoureuses aventures de celui-ci à rebours ou en compose d'autres à partir d'elles, c'est dans le seul but semble-t-il, de provoquer les éclats de rire. L'histoire de « Zartan, frère mal aimé de Tarzan » est avant tout le prétexte non d'un procès, mais d'un spectacle où priment le burlesque, le satire.

Après une mise en train quelque peu laborieuse — coup de pétards, lancement de confettis dans la salle, numéros d'acrobates sur scène — nous sommes entraînés grâce à un orchestre couleur locale et des bananiers en carton-pâte dans la forêt amazonienne. Y arrivent pour bientôt y mourir un explorateur anglais M. Lee et son épouse, qui aura tout juste le temps au terme d'un voyage épique de donner naissance à un fils. Zartan, car c'est de lui qu'il s'agit, sera laissé aux bons soins d'un groupe de singes, une guenon le prenant en affection.

Cependant les choses deviennent moins heureuses pour lui lorsqu'échoue un matin dans le sauvage eden Mme Louise de Paris, belle de nuit de son état, et dont les attraits ont tôt fait de tourner la tête au jeune homme. Trop tard néanmoins. Ignorant tout de sa virilité, il a laissé s'échapper cette dulcinée d'un jour et lorsqu'il se rend compte de sa bévue, il va devoir entreprendre des recherches aussi bien en Afrique qu'en Amérique.

Dès ce moment, les « chroniques coloniales » de Jérôme Savary, déjà inattendues, se révèlent franchement, et parfois délicieusement, loufoques. Le spectacle lui-même change d'orientation. Les mésaventures sexuelles de Zartan nous apparaissent en réalité comme le point de départ d'une satire sociale beaucoup plus vaste. Le jeune homme dans ses pérégrinations rencontre toute une série « d'animaux tristes » et de personnages typés, ne manquant pas de nous renseigner sur les intentions du réalisateur.

Grâce à sa baguette magique, un rien trop pesante ajoutons-le, nous sommes transportés au royaume des Incas, nous vivons l'arrivée de conquistadors-automates, surgit un père blanc plus sensible à la beauté des corps qu'à celle des âmes, nous retrouvons Zartan victime de l'ardeur d'un cheik arabe, qui est fatigué des danseuses de son harem Mais qu'importe. Cela n'empêche pas le jeune homme de passer du bidonville à la gloire de

Broadway et vice-versa pour épouser à la fin d'un vingt-neuvième ou trente et unième tableau, cela dépend des soirs... la reine d'Angleterre!

Le public, de son côté, ne reste pas non plus inactif. On l'invite à danser, on lui propose une amusante tombola, Jérôme Savary et sa troupe ne cessent de l'interpeller à la manière des batteleurs d'autrefois. Ces comédiens entendent créer avec lui la plus joyeuse des fêtes collectives, ils demandent aux spectateurs de troquer leur faux-col contre un faux-nez. Et ceux-ci l'auraient fait très souvent si le Grand Magic Circus avait mieux soigné ses effets, s'il ne négligeait l'ironie légère au profit d'une gaudriole érotique fort lourde, alors qu'il prolonge outre mesure une revue pourtant riche en péripéties.

Emile MARCHAL.

Auteur Emile Marchal

Publication La Métropole

Performance(s) Zartan, frère mal aimé de Tarzan

Date(s) du 1971-11-25 au 1971-11-28

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes