Archives du Théâtre 140


Un 'camembert électrique' ou le fromage de tête…



Le Soir

30-12-1971

AU THEATRE 140

Un « camembert électrique » ou le fromage de tête...

Soirée décevante que celle proposée mardi soir par le Théâtre 140 qui réunissait au même programme le comédien français Daniel Laloux, l'ancienne animatrice du « Velvet Underground », la belle Allemande Nico, et le groupe de Daevid Allen « Gong ».

Laloux qui ouvrait les hostilités ne manque ni de sens de l'humour ni de celui du verbe. Le tambour résolument éclectique qu'il manipule, fort bien, à des fins de décor sonore, en voit de toutes les couleurs et l'on ne sait dès lors si l'ancien interprète du « Magic Circus » aurait intérêt à resserrer ses textes surréalistes (qu'il distille dans une narration par trop intelligente) ou, au contraire, à diriger son inspiration vers une forme de one-man show plus accessible, moins intellectuelle puisque sa réputation se basait jusqu'ici sur la farce et le gag bon enfant que jamais on ne retrouva dans la salle de l'avenue Plasky.

Si Nico manque terriblement à l'actuel « Velvet Underground », on serait tenté d'écrire que le « Velvet Underground » manque terriblement à Nico. Cette jeune femme qui, au physique, tient à la fois de May Britt et de Géraldine Chaplin, se lance délibérément dans un récital étrange, entre la vieille légende écossaise et les films « dits » métaphysiques de Bergman. C'est parfois insolite, souvent inquiétant, mais toujours beau. S'accompagnant seule à l'harmonium, Nico pédale sur les mots comme elle le fait avec son instrument, distillant chaque note avec une parcimonie guindée, une sécheresse hautaine et fanée qui ne manque ni de charme ni de talent. Mais à laquelle il manque toutefois une inventivité mélodique. Raison pour laquelle son récital quasiment uniforme sur le plan musical finit par engendrer la lassitude. Au reste, Nico semble se complaire dans sa tour distante, à égrener des complaintes de Pénélope-en-mal-d'Ulysse dont la richesse mélodique est loin d'égaler une inspiration littéraire proche de Tolkien.

Hochepot

Pour le « Gong » programmé en deuxième partie, rien n'a changé depuis ses concerts de Bilzen, Amougies ou Biot, Daevid Allen, Kevin Ayers et leurs comparses Gilli Smith (chant), Pip Pyle (drums) et Didier Malherbe (saxe) demeurent des musiciens doués dont la création s'encombre malheureusement de références multiples, allant des « Mothers of Invention » à l'engrenage sonore savant du « Pink Floyd » (échos y compris) en passant par le jazz et la musique rock. Leur volonté de parodie, qu'on devine constante, demeure trop timide. Leurs recherches techniques trop peu explicites. Leur découpage de l'architecture musicale trop besogneux, leurs raccords instrumentaux-choraux trop bavards ou trop éculés pour qu'on en vienne à prendre au sérieux cette musique qui se prend trop au sérieux, que finalement l'humour a déserté et ne débouchant en fin de compte que sur un prétentieux hoche-pot d'intellectuels fatigués et fatigants.

André DROSSART.

Auteur André Drossart

Publication Le Soir

Performance(s) La nuit du camembert électrique

Date(s) du 1971-12-28 au 1972-01-02

Artiste(s) The GongNicoDaniel Laloux

Compagnie / Organisation