Archives du Théâtre 140


Anna Sokolow's players project. Une nébuleuse recherche de Magritte



Le Soir

23-6-1972

AU THEATRE 140

Anna Sokolow's players project

Une nébuleuse recherche de Magritte

Quand le Théâtre 140 invite une compagnie de danseurs — ce qu'il ne fait pas très souvent — ce n'est évidemment pas pour montrer à son public un spectacle classique. Il fallait donc s'attendre à ce que cet « Anna Sokolow's players Project », programmé de mercredi à vendredi, soit insolite d'une manière ou d'une autre.

En fait, Anna Sokolow ne présente pas une troupe de ballet, mais une compagnie tout-terrain qui mime, déclame, chante à l'occasion et danse tout de même aussi ou, à tout le moins, use du corps pour s'exprimer. Il s'agit donc, une fois encore, d'une de ces nombreuses expériences qui veulent rénover les arts scéniques en les agglutinant les uns aux autres.

Cela a commencé plutôt mal : "Acte sans paroles" inspiré par Samuel Beckett, voit apparaître un homme déguenillé (Henry Smith) qui s'écroule dès son entrée en scène. Est-il mort? Il ressuscite et, après nous avoir donné l'impression qu'il était à la recherche de son dernier dentier, il a tenté de cisailler un buisson qui lui échappait sans cesse, puis d'atteindre une bouteille d'eau qui faisait de même. Ce ne fut ni très original, ni très pathétique...

On crut ensuite passer un moment amusant grâce à un bref exposé et une démonstration sur l'évolution du « ragtime » (nous abrégeons le titre...). On sourit un peu et ce fut tout.

Fallait-il vraiment qu'une compagnie traverse l'Atlantique pour si peu de chose?

Le morceau de résistance de la soirée devait être cet essai d'hommage au grand surréaliste belge que Anna Sokolow, élève de Martha Graham qui vole aujourd'hui de ses propres ailes, a intitulé "Magritte-Magritte" : huit toiles ont inspiré huit tableaux. Certaines sont illustrées par des poèmes, comme "La grande guerre" et "Le mannequin rouge", de John White, ou encore le mois de la moisson, d'Edgard Poe.

D'autres sont traduites par des saynètes partiellement dansées, comme "L'assassin menacé". Enfin, il en est tout de même qui font l'objet d'une transposition chorégraphique : "Les Amants", dansés par Margaret Fargnoli et Charles Sumner Hayward, "Découverte", par Tonia Shimin ou "Le Dormeur agité", par Jim May.

Il apparaît de ces divers essais que nul ne pourra mieux défendre Magritte que ses toiles elles-mêmes. Quant aux choréphiles, c'est sans conteste à l'interprétation de Tonia Shimin que sont allées leurs préférences. Grâce à elle, on aura au moins vu une danse gracieusement executée dans ce style libéré qui dérivé en droite ligne de l'enseignement de Martha Graham.

Anna Sokolow et sa compagnie donnent l'impression d'être un laboratoire de recherche où l'on ne chôme certes pas, mais où l'on manque singulièrement de pierre philosophale pour faire jaillir l'or dans le creuset. Tout leur programme est à un stade qui ne justifie nullement les tournées internationales.

A.B.

Auteur A.B.

Publication Le Soir

Performance(s) Geschiedenis zonder woorden, Magritte-Magritte

Date(s) du 1972-06-21 au 1972-06-23

Artiste(s) Anna Sokolow Players Project

Compagnie / Organisation