Archives du Théâtre 140


'The Cage', psychodrame pour quatre hommes seuls



Le Soir

1-12-1972

Au Théâtre 140

« The Cage », psychodrame pour quatre hommes seuls

Sur scène, trois hommes : des prisonniers dans un pénitencier américain. Ils s'éveillent et leur enfer commence. Enfer des autres qu'il faut subir, enfer personnel du carrousel des fantasmes. L'un se prend pour un grand boxeur, l'autre pour un chanteur, le troisième est fou, il est général, juge Dieu. Ces hommes s'affrontent comme des hyènes déracinées, heurtent leur solitude. S'aiment. Se caressent. Se battent. Ballet contre nature de trois hommes en cage.

Survient un quatrième prisonnier. Un tout jeune homme accusé du meurtre d'une fille. Il clame — comme tout le monde lui dit-on — son innocence. Mais, déjà, le boxeur, « reine » de la cellule, s'approche de lui, offre sa protection. Une rivalité chamelle nait. On juge parodiquement le nouveau, on lui prouve qu'il devra bien accepter la promiscuité, on l'humilie. Finalement le fou le tue. Et se tourne vers le public en clamant : « Votre volonté »...

La leçon de cette pièce, jouée et écrite par d'anciens détenus (ils savent...) groupés en « San Quentin Drama Workshop »? Quoi qu'il ait fait, actuellement, dès qu'il entre en prison, un homme devient automatiquement une victime, soumis à des pressions et à des tensions qu'il lui est impossible de contrôler. Dans cette oeuvre, d'ailleurs, ce sont les moments grotesques (ceux où ils rient, où ils parodient) de la vie des prisonniers qui sont les plus insupportables, les plus touchants.

« The Cage » est écrit dans un américain dru, puissant, qui puise sa beauté dans la réalité (il n'y a pourtant aucun décor réel sur la scène : quelques couvertures, un pot, un faisceau de lumière, à peine une légère évocation des gardiens : ce qui concentre singulièrement l'attention). Puissante aussi, à la limite du psychodrame, remarquable surtout, est l'interprétation de ces anciens détenus : Rick Cluchey (le fou, il signe aussi la pièce), Micil Murphy (la « reine »), Jonathan Rosen (Al) et R. S. Bailey (le nouveau prisonnier).

Il faut pourtant vous prévenir : cette pièce est faite de sang, de larmes, de sueur. En quatre-vingts minutes, on condense des situations qui, dans la réalité (réalité oppressante si l'on songe à la vague de suicides dans les prisons d'un pays voisin), se prolonge sur des années. De toute façon, qui ouvre cette « cage » sait qu'il n'y découvrira certes pas un conte de fées...

L. H.

Auteur L.H.

Publication Le Soir

Performance(s) The Cage

Date(s) du 1972-11-29 au 1972-12-03

Artiste(s) San Quentin Drama Workshop

Compagnie / Organisation