Archives du Théâtre 140


Au 140, D'anciens détenus jouent 'The Cage'



La Dernière Heure

1-12-1972

Au 140

D'anciens détenus jouent « THE CAGE »

En soi, c'est déjà un événement exceptionnel : ce sont d'anciens prisonniers de droit commun qui ont fondé une compagnie théâtrale et présentent la pièce que l'un d'eux a écrite à la prison de San Quentin, alors qu'il y purgeait une peine à vie (il fut libéré sur parole après douze ans) pour kidnapping.

Après avoir obtenu d'abord l'autorisation de jouer — cette pièce, « The Cage », et d'autres — devant leurs compagnons de captivité, ils sont devenus une troupe professionnelle et depuis plusieurs années maintenant, ils promènent leur spectacle de ville en ville.

Et l'on finirait sans doute par oublier l'origine de la compagnie : — « San Quentin Drama Workshop » — si ses pensionnaires ne tenaient eux-mêmes, une fois la représentation terminée, à se soumettre aux questions du public dans le but de sensibiliser le plus de monde possible aux problèmes de l'internement et à la nécessité de réformer le régime pénitentiaire.

A cet égard, « The Cage » (La Cage) est un document impitoyable, qui illustre, avec un réalisme sans concession, la vie communautaire en cellule. Trois hommes partagent celle qui nous est montrée, quand la pièce commence. Trois hommes qui souffrent à des degrés divers de folie, de perversion, de sadisme. Et voici un nouveau venu, un adolescent épileptique, accusé d'avoir tué sa fiancée, mais qui le nie. L'homosexuel boiteux, le tueur sans foi ni loi, le fou dangereux sont tout heureux de l'occasion que sa venue leur procure d'oublier pour un temps le train-train quotidien, monotone et pervers. Le jeune détenu voudrait se tenir à l'écart : son avocat ne lui a-t-il pas promis qu'il le ferait libérer dans les quarante-huit heures? Mais quarante-huit heures, c'est bien plus qu'il n'en faut pour que tous les excès se donnent libre cours : torture morale et physique, corruption et finalement la mort, dont le fou se fait l'instrument, après un procès « pour rire » dont le jeune homme l'ait les frais...

Sur un fond de tentures noires, avec pour seuls éléments de décor une tinette et quelques couvertures, les quatre détenus — en salopette — arrivent à créer un climat tellement étouffant, une atmosphère d'une telle densité, que le spectateur oppressé a un peu l'impression d'être devenu leur voisin de cellule. Les personnages n'ont recours ni au plaidoyer ni au réquisitoire : leur seule présence, la vie dégradante que les circonstances les ont amené à mener, les excès de toutes sortes qu'ils en sont arrivés à considérer comme banals, sont plus éloquents que tout ce qu'ils pourraient ajouter.

Ecrite avec force, développée sans concession, cette « tranche de vie » est d'autant plus hallucinante que les ex-détenus — tout au moins dans ces rôles qui furent effectivement les leurs — se montrent des interprètes de tout premier plan, pour lesquels la vérité psychologique, la présence, la diction et l'expression corporelle n'ont plus de secrets. Ils s'appellent R.S. Bailey, Micil Murphy, Jonathan Rosen et Rick Cluchey (qui est aussi l'auteur de « The Cage »).

R.P.

Auteur R.P.

Publication La Dernière Heure

Performance(s) The Cage

Date(s) du 1972-11-29 au 1972-12-03

Artiste(s) San Quentin Drama Workshop

Compagnie / Organisation