Archives du Théâtre 140


'God op aarde'



Le Soir

21-12-1972

AU THEATRE 14O

« GOD OP AARDE »

Après le Concile, quand on solda les demi-valeurs, les antiquaires ont hérité des angelots, des sainte Rita et des confessionaux. Les auteurs de théâtre recueillirent eux aussi quelques retombées, et cela nous a valu un nouveau répertoire de pièces à prétention religieuse. Avec, on le devine, des fortunes bien diverses, depuis la kermesse de « Super Star » jusqu'à ce « Mistero Buffo » émouvant qu'on vit l'autre jour à la Monnaie.

« God op Aarde » (Dieu sur terre, un programme convenant bien à la Noël et au surplus, un cadeau de l'Accord culturel belgo-néerlandais) se situe dans cette série nouvelle. L'auteur, Inez van Dulleman, ne s'est pas contentée comme d'autres de puiser dans les textes bibliques. Son cocktail philosophique comprend aussi Huxley, Weiss, Eliot, Jakov Lind et Panizza. Il y manque Hergé, et c'est dommage.

Le texte, fait ainsi de collages, n'est pas mauvais. Il recèle de très belles pages, comme celles de la création du monde ou du supplice de Jehanne. Parfois, il ne résiste pas au mot facile. Quand Dieu le Père, par exemple, s'écrie : « N'était-ce pas assez déjà d'être vieux qu'il me faille encore être éternel! ». La pièce est construite, un peu à la manière de Dario Fo, en une série de tableaux. Côté cour : un orchestre pop. Au centre, un bric à brac, décor parfaitement en harmonie avec le texte. Puis un podium, où quatre clowns, tous bons acteurs du groupe Appel de La Haye, vont raconter l'histoire du monde.

La pièce ne touche que l'intelligence, elle n'atteint jamais le cœur. Pourquoi? Pour un détail d'interprétation peut-être. Dans notre théâtre occidental, le clown est ce personnage tendre, pur, naïf, vrai, qui dit des choses tristes et dramatiques avec le sourire désarmant d'un Fratellini, d'un Chaplin ou d'un Fernandel. Les clowns de « God op Aarde » sont parfois grinçants ou cyniques. Ils sortent de chez Renan. C'est un faux nez au carré, et voilà qui dérange le public dans ses habitudes. On peut aujourd'hui pasticher impunément la Trinité. On ne peut trahir Pierrot-la-Lune avec la même liberté.

Et malgré cette réserve, c'est un spectacle à voir, en raison de ses nouveautés de mise en scène et de son texte fort curieux. Mais il faut se hâter, puisque la dernière représentation (il n'y en aura eu que deux) a lieu ce mercredi soir au Théâtre 140, avenue Plasky.

Guido VAN DAMME.

Auteur Guido Van Damme

Publication Le Soir

Performance(s) God op Aarde

Date(s) du 1972-12-19 au 1972-12-20

Artiste(s) De AppelInez van DullemanEric Vos

Compagnie / Organisation