Archives du Théâtre 140


Au Théâtre 140, Le groupe 'Appel'



La Libre Belgique

21-12-1972

AU THEATRE 14O

Le groupe « APPEL »

La présence à Bruxelles — au Théâtre 140 — du groupe hollandais « Appel » aurait dû éveiller une plus grande curiosité. Formé d'excellents acteurs ayant un acquis sérieux, il cherche d'autres formes de théâtre. Ce n'est donc pas une aventure de néophytes. Les comédiens, deux femmes et trois hommes, gardent l'anonymat, tout comme les musiciens qui les accompagnent. Tout cela est marqué du signe d'une grande pureté, d'une authentique simplicité dans l'esprit et la forme. A ce titre, la soirée apporte une révélation, non par des voies révolutionnaires, mais par la sincérité de la démarche et la pauvreté voulue des moyens d'expression.

Le décor est fait de matériaux de rebut : morceaux de palissades, objets hétéroclites; l'action du « Appel » peut se transporter dans la rue. Il est essentiellement populaire; non à la façon de jeunes groupes sauvages qui ont plus de générosité que d'expérience, mais comme les baladins chevronnés qui pouvaient jouer sur le parvis des cathédrales. Dans le spectacle, on retrouve, du reste, un écho des mystères du Moyen Age. Par certains côtés, « God op Aarde » se rattache également aux parades du « Bread and Puppet », bien que « Appel » ne soit pas directement politique.

Inez van Dulleman, auteur de « God op Aarde » (Dieu sur la Terre) a puisé dans les textes des grandes religions (un peu comme le « Bread and Puppet » s'appuie, dans certaines « actions », sur la Bible). La pièce, ou le prétexte à spectacle, se présente comme un collage de textes. Le thème fondamental est l'homme.

« L'homme, dit van Dulleman. ne peut donner une forme (un sens, une direction) à sa vie, s'il ne commence par se créer lui-même. » Le spectateur éprouve une certaine difficulté à suivre le philosophe Inez van Dulleman dans tous les méandres de sa pensée et de ses développements. Le public qui ne comprend pas parfaitement le néerlandais, lui, doit décrocher à plusieurs moments; c'est ce qui s'est vu à la première, mardi soir, où la communauté néerlandaise de Bruxelles n'est pas venue en force, comme on aurait pu l'espérer.

Ceci dit, l'expression du « Appel » est basée sur le langage visuel — mais pas assez pour devenir un langage clair et universel. Il faut souligner la qualité des acteurs, formés à l'expression corporelle, mais n'en faisant pas un but en sol. Ils portent avec la même sincérité les moments tragiques, l'humour, la farce et la tendresse et leur spectacle baigne dans la générosité.

Devant un tel effort, une telle pureté d'intentions, on est un peu gêné de constater le manque d'intérêt que leur présence dans nos murs a suscité chez les amateur de vrai théâtre. De toute maniére, il faut rendre hommage à Dekmine d'avoir invité « Appel » au Théâtre 140.

J.S.

Auteur J.S.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) God op Aarde

Date(s) du 1972-12-19 au 1972-12-20

Artiste(s) De AppelInez van DullemanEric Vos

Compagnie / Organisation