Archives du Théâtre 140




THEATRE 140

saison 73/74

service de presse

avant première / DE M0ÏSE À MAO

Sous chapiteau (Place Van Ysendyck à Schaerbeek)

les 14-15 et 16 décembre à 21 h Les futures "Halles de Schaerbeek"

et

L'Atelier Théâtral de Louvain

présentent

une coproduction du Théâtre National de Strasbourg et du Magic Circus

DE MOÏSE A MAO

ou

5000 ans d'aventures et d'amour

Sous l'égide de la Commission Française de la Culture de l'agglomération de Bruxelles.

Ce spectacle est déconseillé aux moins de 18 ans.

Le Magic Circus se produira également à Tournai le 11 décembre et à Louvain les 12 et 13 décembre (place Mgr Ladeuze).

Que le très officiel Théâtre National de Strasbourg se soit "mis" avec le Magic Circus pour co-produire "De Moïse à Mao", que le très universitaire Atelier Théâtral de Louvain se soit lié aux futures Halles de Schaerbeek pour nous le montrer, que la Commission Culturelle de l'Agglomération Bruxelloise aie eu l'envie de patronner l'opération, il y a là un signe.

C'est que le désamorçage des grands thèmes, le monôme, le mauvais goût érigé en principe, la grande fête anti-luxe "à l'emporte pièce", le soupçon sur "la fête" érigé en principe, le "rubbish", l'apparente grossièreté qui délivre et débouche sur le procès de notre conditionnement, tout cela est une réponse à une urgence: nous doutons du sérieux de l'Histoire et des grandes données qui ont jusqu'à présent asservi notre intelligence et notre comportement.

Le Magic Circus, c'est la lutte joyeuse contre le terrorisme

intellectuel.

Comment celà?

"Allegria, Allegria" dit alors Jérôme Savary de sa voix fatiguée de bonimenteur, un peu comme s'il jetait une poignée de confettis ramassée dans la poussière des lendemains de réveillons...

Moïse chante son petit Gosspel avec choeur des disciples, la Bible a toujours été payante en superproduction, face à Goliath, David est un poids léger, fébrile de dessin animé, les Romains sont aussi vilains et nouveaux riches que dans Astérix, on ne nous épargnera pas un Jésus-Christ Superstar mais qui arrive trop tôt dans le calendrier, Jeanne d'Arc s'enflamme sur un bûcher de feux de Bengale, c'est le quatorze juillet de la Pucelle, on nous livre en vrac quelques tableaux de ces grands massacres historiques dont le grand public est si friand, le Moyen Age en solde et ses tournois stupides, toujours le costume sera kitsch mais nombreux, un pauvre Molière amené en pleine comédie à torcher un Louis XIV aux enfantillages scatologiques, rien ne nous est épargné, Napoléon est un nain qui sussure des mélodies corses, mais nous avons droit au tableau de neige sur la Bérézina. Et constamment le lit, la fille de joie et les marins installés au milieu du public, la célèbre page de réalisme dans le programme de Music-Hall. Et puis il y a Hitler, et puis Mao qui n'est rien qu'un portrait, une énigme...

Jérôme Savary et son Magic Circus ont depuis plusieurs années refusé la démarche esthétique au théâtre, au profit de la foire.

Le panier aux accessoires de grenier est l'étendard de cette révolution là, on se colle une tenue approximative, une barbe et un drapé, on fonce en scène et on EST le vampire de Düsseldorf avec la conviction des enfants.

C'est ça le cirque. C'est ça le théâtre. Ce que nous avons dans la tête qui ressemble à un merveilleux livre d'images de mauvais goût.

Comment prouver aux grincheux que les grossièretés du Magic Circus, les énormités si l'on préfère, ne participent pas de la vulgarité. Le faux chef-d'oeuvre est vulgaire, les faux grands sentiments, l'érotisme bidon, la Poésie sans poésie, la bêtise. La grossièreté ici est thérapeutique, "vacuum-cleaner", elle nettoie à grandes eaux.

Le parquet sera-t-il de la même opinion?

On oublie de dire que la musique est merveilleusement envahissante et qu'ils chantent tous et dansent aussi bien qu'au Chatelet.

Ce spectacle, présenté en préanimation des Halles, pour en annoncer une partie du propos, n'est pas l'unique représentation du travail populaire que les Halles se proposent de présenter. C'est plutôt une indication de mentalité. En somme, le Magic Circus à Schaerbeek se présente un peu comme une question. Le prix des places, compte tenu des frais d'implantation d'un chapiteau et de l'importance des frais de la distribution est fixé à 175 francs. Les moins de 25 ans et les habitants de la Commune de Schaerbeek ne paieront que 125 francs. Le service de location est assuré de 12 à 18 h tous les jours sauf le dimanche au théâtre 140, tel: 34.46.31

Une interview de Jérôme Savary :

"- Jérôme Savary, vous êtes le directeur du Grand Magic Circus. Pouvez-vous nous dire deux mots de votre nouveau spectacle, "de Moïse à Mao, 5.000 ans d'aventures et d'amour"? - Avec plaisir. "De Moïse à Mao" est le troisième volet de la trilogie du Grand Magic Circus. "Zartan" traitait de la fin de la suprématie de l'homme occidental à travers le monde. "Robinson" traitait de la solitude et du désarroi de cet homme occidental dans son propre univers.

"De Moïse à Mao" est un bilan. Bilan dérisoire, burlesque et, dans le fond, douloureux! L'Histoire de l'homme, des origines à nos jours, vue par les yeux innocents d'une petite troupe de music-hall austro-parisienne, partie conquérir l'Amérique au début de ce siècle, et bloquée, au bord du désert du Nevada au moment où commence le spectacle, ultime mais redoutable obstacle avant la gloire.

- J'aperçois des musiciens, avec leurs instruments. Vous avez un orchestre?

- Oui. Le Vienna and Danube Romantic Combo. Au cor, Roland de Roncevaux. La section des trompettes de Jéricho. Les voix de Jeanne d'Arc. Les orgues de Saint Sulpice. Aux bruitages, Marat. Au piano, Chopin. La grosse Bertha aux percussions. C'est un bon orchestre.

-L'idée de départ du spectacle?

-C'est une bonne idée. Nous sommes partis, au Magic, sur la constatation que les connaissances qu'à l'homme de sa propre histoire sont des plus succintes: une accumulation d'images d'Epinal, de lieux communs, de partis pris. Simplifications partisanes amplement encouragées par les livres d'Histoire, le chauvinisme et un certain malaise devant l'accumulation d'horreurs, de crimes, de stupidités que représente l'histoire universelle.

-Un exemple?

-La gare d'Austerlitz devient Waterloo Station à Londres. On retrouve là le goût inné de l'homme pour la victoire. Ce qui fait que l'histoire de l'homme, vue par un enfant, devient une suite de victoires, de progrès en tous genres. A en croire les manuels, l'homme a accompli tant de progrès, de Gutemberg à l'atome, qu'il ne devrait logiquement pas être loin d'égaler Dieu par la perfection et la sagesse.

Le Magic Circus a essayé de retrouver des yeux d'enfant (les a-t-il jamais perdus?) pour rire - comme un enfant-decette Histoire, qui, dans le fond, n'est pas si drôle.

-C'est très intéressant. Vous avez du élaguer. Cinq mille ans d'aventures et d'amour, c'est long.

-Oui. Voici les principaux tableaux du spectacle:

Jésus dans les arènes de Rome. La liberté de Delacroix guillotinée par Louis XVI. Chopin scalpé par le dernier des Kobicans. Une de moins que les Boches n'auront pas. Le numéro de pétomane du Roi-Soleil. Catherine de Russie et Raspoutine. Dracula vampirisant la femme de Freud. Les fiançailles de Tarzan et Joséphine Baker. La Marne et ses taxis explosifs. Le strip de Loulou de Bavière. Le gâteau creux de la reine Victoria. La retraite de Russie et l'incendie de Moscou. Napoléon donne à boire à l'oncle de Victor Hugo. Dario Moréno et son théâtre aux armées.

- Un mot pour finir,Jérôme Savary?

- De Moïse à Mao

C'es l'plus grand roman mélo

Avec tous ces héros

Dans leurs nouveaux numéros

Soulevez ma chemise

Et vous pourrez voir Moïse

Otez votre chapeau

Vous pourrez saluer Mao."

Interview réalisée par Charlie Hebdo.

Auteur

Publication [persbrochure]

Performance(s) De Moïse à Mao ou 5000 ans d'aventure et d'amour

Date(s) du 1973-12-14 au 1973-12-16

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Le Grand Magic Circus et ses animaux tristes