Archives du Théâtre 140


Le triomphe du dernier festival d'Avignon, La vie de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière par le théâtre de la Salamandre du Havre



THEATRE 140

service de presse

saison 73/74

avant première / La vie de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière

Présenté par le Théâtre 140 et René Praile (Coordination Jean Lefébure)

au Théâtre 140

du 5 au 9 février à 20h30

le triomphe du dernier festival d'Avignon

LA VIE DE JEAN-BAPTISTE POQUELIN dit MOLIERE

par le théâtre de la Salamandre du Havre

C'EST Dommage, ce titre...

On dirait un gadget socio-culturel dans le style "S'instruire en s'amusant", "Corneille cet inconnu", "Pénélon et la Semaine des Cinq Jours"...

Explorateurs du monde littéraire, tutoyons le patrimoine. Le modèle français revu par un gentil animateur qui vous busera quand même à la fin de l'année, "l'élément n'a pas satisfait, il peut faire mieux"

Poursuivre sur ce ton équivaudrait à se fâcher rétrospectivement à propos de toutes ces entreprises démagogiques où le maître d'école, fut-il directeur de théâtre, s'évertue à napper de mauvais chocolat l'amère pastille du bagage culturel.

Rien à voir ici. On est délivré. Au "Jean-Baptiste Poquelin" du théâtre de la Salamandre du Havre, on rit sans arrêt, ils n'ont pas eu à forcer le ton, pas de gros effets pour nous convaincre que c'est bien la récréation, pas de modernisme raccoleur, le journal d'une vie de Molière, ça pourrait être celui d'un inconnu attachant, il se fait que c'est le sien.

Pourquoi rit-on? Parce que tout ce qui est vrai et quotidien est drôle finalement à moins d'être simplement navrant ; voyez Charlot.

Faire descendre Molière de son piédestal est une opération démagogique.

Prouver qu'il n'y est jamais monté, qu'il était un artisan du rire, c'est déjà plus intéressant.

Seule pièce à conviction que nous versons au dossier rédigé collectivement par les comédiens de la Salamandre comme d'ailleurs le dialogue du spectacle,

un petit résumé succint

- Séquence 1. Où l'on voit la naissance de Jean-Baptiste Poquelin et les événements tumultueux qui en furent à l'origine. (musique exotique - bruitages divers)

- Séquence 2. Où l'on voit un Jean-Baptiste romantique et tourmenté vaincre les grossiers préjugés paternels pour parvenir à poursuivre ses études. (musique de Tchaïkovski). Où l'on voit aussi que le théâtre de la Salamandre ne croit pas à cette légende. (musique de Gounod)

- Séquence 3. Où l'on suit Jean-Baptiste dans un collège de Jésuites. (musique traditionnelle japonaise)

- Séquence 4. Où l'on refait, sous la férule du professeur Gassendi, l'expérience des plans inclinés et la démonstration de la chute des corps. (surtout pas de musique - juste le battement d'un métronome)

- Séquence 5. Où l'on mesure, après l'avoir vu travailler dans la boutique paternelle, le tort que Jean-Baptiste causa au commerce de drap, on demandant à son père de changer d'orientation professionnelle. (musique de Xénakis)

- Séquence 6. Où le spectateur comprend, avec la faillite de "L'illustre Théâtre", que la vie d'une jeune troupe était déjà bien précaire, il y a trois siècles. (musique de cirque)

- Séquence 7. Où l'on voit que l'amour que Madeleine Béjart porte à Jean-Baptiste ne suffit pas à faire de celui-ci un bon comédien, mais suffit à le faire engager dans une troupe de province (direction: Charles Dufresne). (La musique est celle des vers de Corneille)

- Séquence 8. Où l'on apprend que 13 ans ont passé (déjà), que Molière (c'est le pseudonyme de Jean-Baptiste Poquelin!) a dépossédé Dufresne de sa troupe pour la conduire au succès. Enfin que Dufresne est bavard, mais nullement rancunier. (pas de musique)

- Séquence 9. Où le spectateur médusé est transporté par un habile artifice de mise en scène dans les coulisses du théâtre, pendant que Molière fait le pitre pour faire rire Louis XIV. (musique de Moyerbeer)

- Séquence 10. Où l'on fait la connaissance de Monsieur Lagrange, scribe méticuleux, et de Madame Georgette, femme de ménage non moins méticuleuse. Où le tiroir-caisse nous apprend que le succès de la troupe va grandissant. (tintement des louis d'or dans la caisse)

- Séquence 11. Où l'on assiste dans leur repaire, aux ignobles agissements des "méchants", autrement dit les confréries secrètes qui luttont contre Louis XIV. Où, reprenant l'exemple de Molière lui-même dans son "Tartuffe", le théâtre de la Salamandre terrasse définitivement les forces réactionnaires avec l'arme du ridicule. (musique de Panufnik)

- Séquence 12. Où l'on montre les effets de la jalousie de Molière sur son travail d'une part, et sur sa domesticité d'autre part.

- Séquence 13. Où l'on explique, par une suite de tableautins, la cause des effets décrits dans la séquence précédente. (musiques de La Grande Liturgie Orthodoxe Slave et de Leoncavallo).

- Séquence 14. Où l'on voit du temps l'irréparable outrage-maquillage. Où l'on apprend par Monsieur Mauvillain, médecin de Molière et du Roi tout ensemble, que la transfusion sanguine ne date pas d'hier. Où l'on assiste à la mort de la Cabale des Dévots et aux surprenantes réactions que la nouvelle déclenche chez Molière.

- Séquence 15. Où l'on perçoit le peu d'enthousiasme que suscitent chez notre héros les conceptions littéraires de son monarque, au cours d'une entrevue imaginaire entre ces deux figures imposantes de l'Histoire de France. (musique de Lully et André Danican-Philidor)

- Séquence 16. Où les intellectuels du temps, amis de Molière, (Bernier, Boileau, Chapelle, La Fontaine) s'aperçoivent enfin que Louis XIV est un horrible réactionnaire, simplement parce que celui-ci réduit le montant de leur pension. Où il est prouvé que les tentatives suicidaires des artistes peuvent être consécutives à l'abus des boissons fortes, (le théâtre de la Salamandre éclaire d'un jour nouveau la célèbre anecdote de la beuverie d'Auteuil)

- Séquence 17. Où l'on évite d'insister sur la mort de Molière, mais où l'on insiste plutôt sur l'inventaire de ses biens, lequel dura six jours: c'est dire que notre héros ne mourut pas précisément dans la misère.

- Séquence 18. Où le théâtre de la Salamandre, fatigué mais content, vient recueillir cinq à dix minutes (voir contrat) de chaleureux applaudissements bien mérités. (musique de Sarti)

Fin du petit résumé succint

N.B. La simple lecture du présent petit résumé succint ne saurait en aucun cas dispenser qui que ce soit d'assister au spectacle.

Avec "Mistero Buffo", on peut le dire fièrement, c'est le seul succès indiscuté du festival d'Avignon.

C'était bourré pendant un mois, deux séances par jour, bourré à l'heure de la piscine sous le soleil...

Un succès n'est pas NECESSAIREMENT un mauvais spectacle. Le travail collectif fait par le théâtre de la Salamandre du Havre sur la vie de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière a de la santé et une grande précision. C'est à dire?

On songe aux clowneries exactes des Frères Jacques à leurs touts débuts, aux premiers Chaplin, à Jules Renard, à Boris Vian, aux Marx Brothers mais aussi aux gravures de l'époque, heureusement distanciées.

Et on songe au théâtre de Molière, qui nous a peut-être quelque fois paru bloqué chez l'antiquaire, comme un triste objet de valeur.

Après les succès au Palais du Midi de "Electre" mis en scène par Antoine Vitez et "Les Misérables" monté par Pierre Debauche sous l'appellation de "festival international de Bruxelles", René Praile a tenu à présenter avec Jo Dekmine au Théâtre 140 le spectacle du théâtre de la Salamandre qui les avait communément enthousiasmés au dernier festival d'Avignon.

Jean Lefébure s'associe à cette entreprise. Rappelons que ce spectacle est une co-production du théâtre de la Salamandre et de la Maison de la Culture du Havre.

LA VIE DE JEAN-BAPTISTE POQUELIN dit MOLIERE

au Théâtre 140 du 5 au 9 février 74 à 20h30

Auteur

Publication [persbrochure]

Performance(s) La vie de Jean Baptiste Poquelin dit Molière

Date(s) du 1974-02-05 au 1974-02-09

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Théâtre de la Salamandre