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Venu du Havre pour une tournée en Belgique et actuellement au '140' à Bruxelles: Un extraordinaire 'Molière' du théâtre de la Salamandre



Le Peuple

7-2-1974

Venu du Havre pour une tournée en Belgique et actuellement au « 140 » à Bruxelles :

Un extraordinaire « Molière » du théâtre de la Salamandre

C'est la vie de Molière écrite par Michael Boulgakov qui fut le point de départ d'une grande aventure. Car on peut parler réellement d'une aventure qu'ont entreprise ces huit comédiens du Théâtre de la Salamandre. Ils ont éliminés les allusions au Stalinisme de l'auteur russe, n'ont retenu que les maigres éléments historiques dont l'authenticité est reconnue et, à partir de là, ils ont improvisé…

Le résultat de ce travail collectif : quatre heures de spectacle qu'il fallut amputer pour le ramener à 1 h 50.

La vie de Molière en 1 h 50 : un tour de force ambitieux, et une réussite exceptionnelle! Ambitieux parce que la vie de Molière est mal connue et ce qu'on en sait laisse libre cours à plusieurs interprétations; ambitieux surtout parce que c'était s'attaquer à un monument de l'histoire du théâtre : un sacré monument et un monument sacré.

Mais la réussite est là : un extraordinaire spectacle qui démythifie et démystifie, mais sans prétention aucune; un voile que l'on lève sur le tabou, sur le sacré, sans trop appuyer, avec un léger clin d'œil au public; un cours sur Molière qui se donne durant la récréation.

Avec le Théâtre de la Salamandre, on voit évoluer ce Molière, fils du tapissier ordinaire du Roy, « monstre scolaire » désacralisé, rendu à l'échelle humaine, dans une société à peine caricaturée. Un Molière, thème d'un jeu qui prend naissance des multiples ressources du théâtre : la farce, le mime, la parodie, le pastiche...

Monologues, dialogues, récitants, chœurs, une variété infinie de procédés confèrent à ce spectacle une richesse qui contraste étonnamment avec la simplicité qu'il revêt.

Sautillant, léger, frétillant, allègre, piquant, mordant, et terriblement jeune, « La vie de Jean-Baptiste Poquelin » présente, par sa retenue et sa modestie, une unité des plus solides dans une diversité des plus extrêmes.

Le mime est discret, la farce n'en est pas une, la caricature est suggérée, les dialogues sont simples: le décor de toile blanche est frustre et les costumes d'une élégante et appréciable sobriété; le maquillage se résume à des masques blancs peints sur les visages, rappelant au spectateur qu'il s'agit bien de théâtre; et le jeu des acteurs est en parfait accord avec ce climat de pondération...

Et pourtant, ce spectacle respire une force, une vitalité, une jeunesse qui soulèvent l'enthousiasme.

L'œuvre s'achève sur la lecture du testament de Molière par le notaire, le seul qui soit costumé d'époque, car il symbolise l'une des rares sources authentiques que l'on possède sur l'auteur. La lecture est longue : Molière est mort riche. C'est la dernière démystification du Théâtre de la Salamandre. On aime ce genre de démystification : intelligente et point prétentieuse. Une finale à l'image du spectacle en somme...

Willy DECOURTY.

Auteur Willy Decourty

Publication Le Peuple

Performance(s) La vie de Jean Baptiste Poquelin dit Molière

Date(s) du 1974-02-05 au 1974-02-09

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Théâtre de la Salamandre