Archives du Théâtre 140


Au Théâtre 140, 'J'ai confiance en la justice de mon pays'



La Libre Belgique

20-3-1974

Au Théâtre 140

« J'ai confiance en la justice de mon pays »

Donner la bastonnade à Pandore est aussi vieux que guignol! Ce que présente le Théâtre parisien de la Bulle au « 140 », c'est guignol, justement. Une charge contre Pandore et Thémis, lesquels en ont l'habitude depuis que les auteurs dénoncent ce qu'ils considèrent comme des injustices ou les vilenies d'une époque.

Longue est cette liste d'oeuvres protestataires. Elle va de « Sacco et Vanzetti » au Dario Fo de « Cette Dame est à Jeter », en passant par « La Tête des autres », « Andorra », « Les Rosenberg ne veulent pas mourir », ou des films comme « Justice est faite », « Nous sommes tous des assassins », « Z », etc...

Au Théâtre de la Bulle, les événements évoqués n'ont trait ni à Dallas, ni A Gandhi, ni à Dreyfus, ni à Puig Antich, mais à un jeune garçon qui, en 1968, fut trouvé mort dans une cellule en France, après une rafle, et dont la disparition fut officiellement attribuée à un suicide, officieusement aux séquelles de brutalités policières.

Ce genre de sujet est toujours développé dans le même moule : dénonciation de l'injustice, appel à la conscience universelle, on dirait un tract, bourré de slogans. Avec des caractères schématisés à gros traits : pauvres innocents et salauds d'oppresseurs. Ici, toutefois, le manichéisme par trop primaire est relativement évité, encore que « la Bulle » ne fait pas mystère du camp retranché qu'il choisit derrière les barricades.

En ce qui concerne la formulation, par ailleurs, on reconnaîtra que c'est du beau travail : théâtrologie moderne, cohérente, rapide, elliptique, la bouffonnerie burlesque visant outre les cibles précitées, la stupidité du petit écran avec ses aboyeurs, ses camelots de l'information « téléguidée », tronquant les faits. Flanqué de majorettes en mini-jupe tricolore, le titulaire du rôle du bonimenteur, J.-P. Bagot, y va d'ailleurs d'un récital très cocasse : Guy Lux revu par les tranches de Claude François. Quant au beau visage noble de Rachel Salik, il symbolise, en contrepoint, une « Mater Dolorosa » nullement résignée, mais soucieuse de proclamer sa contestation.

Ainsi la mise en scène évite-elle la sécheresse d'un rapport ou l'ennui fastidieux d'un cours du soir politique. Du théâtre engagé qui avoue ses limites quant au propos (généreux) mais qui dit bien ce qu'il a à dire.

J. P.

Auteur J.P.

Publication La Libre Belgique

Performance(s) J'ai confiance en la justice de mon pays

Date(s) du 1974-03-18 au 1974-03-23

Artiste(s)

Compagnie / Organisation Théâtre Bulle