Archives du Théâtre 140

La Relève

23-3-1974

Au 140:

J'AI CONFIANCE EN LA JUSTICE DE MON PAYS

C'est du théâtre politique. Du théâtre de prise de conscience politique. Mais c'est tout de même aussi du théâtre.

Partant d'une affaire réelle : la mort suspecte, au commissariat de Chambéry, d'un jeune ouvrier, Jean-Pierre Thévenin, le Théâtre Bulle d'Alain Scoff nous fait percevoir de manière simple mais scéniquement structurée l'arbitraire de la répression policière couverte par les pouvoirs. Dans le même mouvement, le filtrage et la partialité de l'information, et plus particulièrement de l'information télévisée, nous sont rendus sensibles ; c'est en effet à travers les fantaisies de « Télé-Véritas » pour laquelle le meurtre est avant tout, et sous couvert d'objectivité, prétexte à un bon « show », que nous sommes amenés à saisir les divers aspects de cette affaire.

Aucune ambiguïté dans le propos, et Alain Scoff lui-même le confirmait devant le public : monter un tel spectacle, c'est faire un travail de conscientisation avec les moyens dont on dispose, en l'occurrence ceux du théâtre (Brecht ait discrètement évoqué). Et pourtant, comme le fit remarquer le premier spectateur intervenant dans le débat qui suivit : « Peut-être n'avons-nous fait que passer une bonne soirée ».

Si le Théâtre Bulle m'a paru manquer un peu de carrure pour soutenir son ambition, il aura au moins été efficace en suscitant une discussion prolongée parmi les spectateurs, jeunes pour la plupart. Discussion d'ailleurs étonnamment courtoise et où il apparaissait une fois de plus que, pour la nouvelle génération, le travail politique ne s'enferme pas dans le cadre des partis et de leurs bureaux, mais se fait dans la rue, dans la vie, partout.

Le contexte spécifiquement français du spectacle en relativisait l'impact. On aimerait voir des troupes belges théâtraliser de la sorte nos problèmes dans les formes qui sont les nôtres, plutôt que de ressasser le « répertoire ». Bien sûr, le théâtre-tract, qui implique un certain grossissement des traits, une simplicité du propos, n'est pas le seul possible. Mais il a sa nécessité. Quand il trouve son style.

Fr. C.