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Pourquoi Pas

28-3-1974

THEATRE 140

J'AI CONFIANCE DANS LA JUSTICE DE MON PAYS

LES faits sont les suivants : en décembre 1968, dans un bar de Chambéry, deux jeunes gens pris de boisson, dit le rapport officiel, sont emmenés, à la demande de la tenancière, par des gardiens de la paix et placés « en chambre de sûreté ». L'un d'eux, Jean-Pierre T., aurait été découvert le soir même pendu dans sa cellule. Suicide, dit la police. Meurtre policier, disent les parents de la victime et leurs défenseurs qui, de tribunal en tribunal, n'ont jamais pu obtenir que le non-lieu. En réalité, rien n'est sûr et tout est suspect.

Alain Scoff et le Théâtre Bulle se sont littéralement mobilisés pour substituer au prétoire une scène érigée en dernier recours de la justice. A travers une reconstitution volontairement et agressivement burlesque menée abusivement par une émission caricaturale de télévision partisane et muselée, ils se dressent en accusateurs d'autant plus féroces que le rire grinçant et dérisoire se mêle à l'atrocité. Théâtre politique et théâtre-cabaret combinés, soudés l'un à l'autre fortement par le jeu d'une satire grotesque qu'entrecoupent les cris pathétiques d'une mère douloureuse (Rachel Salik).

La formule est adroite. Mais elle se dévalue trop elle-même par l'excès de la parodie. L'outrance systématique et généralisée court toujours le risque de diluer la preuve et de s'égarer — inutilement — dans l'hyperbole pamphlétaire : on persuade surtout les convaincus.

Joseph BERTRAND