Archives du Théâtre 140


'Histoire d'un soldat' au 140: la pantomime selon Sladek



Le Soir

30-1-1975

« Histoire d'un soldat » au 140 : la pantomime selon Sladek

La Compagnie Milan Sladek a installé ses tréteaux au Théâtre 140 pour cinq jours et surtout pour deux mises en scène totalement différentes de ton et d'esprit. "Kefka ou le cadeau", qui débutera jeudi soir, accolée à une seconde pièce intitulée "Vive le strip", se veut une pantomime grinçante, gestuelle et spectaculaire dont profite Milan Sladek pour étaler toute sa maîtrise de mime.

Histoire d'un soldat programmé pour deux jours depuis mardi soir procède d'une veine plus sage, charmante sans doute, mais dont on feuillette les pages jaunies sans trot) comprendre les motivations qui ont poussé Sladek et ses partenaires à exhumer une oeuvre poussiéreuse et scolaire commise en son temps par le romancier helvétique Ramuz.

Sur ce texte égrené du haut d'une chaise par un lecteur, viennent se greffer, outre la musique descriptive de Stravinsky, les pantomimes de trois comédiens : Edouard Zlabek en soldat, Milan Sladek, le diable et Julia Linsiq, sa compagne. Mais ces deux derniers se transforment, au gré de la narration, en une pléiade de personnages qui gravitent autour du héros de l'histoire.

Ces métamorphoses s'opèrent grâce à de fort beaux masques que les comédiens utilisent, et Sladek en particulier, avec une maîtrise technique toute marionnettiste qui en dit long sur leur métier. Les gestes ici, calibrés, pesés, aérés, ne font que prolonger dans le synchronisme un texte entièrement rimé. Ils n'en sont donc ni le complément, ni le miroir, mais l'objet même de la mise en scène qui en accuse, avec une subtilité tout enfantine, les options décoratives et poétiques. Histoire d'un soldat se veut ainsi le télescopage de trois créations : littéraire (Ramuz), musicale (Stravinsky), plastique (Sladek). Mais pareille confrontation, où chacun tire la couverture à soi, devient en réalité une démonstration culturelle dont toute spontanéité est bannie, un objet de réflexion sur la vanité de la richesse dont les options critiques ou philosophiques ne concernent réellement que leurs auteurs sans pour autant concerner le public.

C'est là où blesse le bât. Trop huilé dans son organisation interne, trop léché dans sa représentation, "Histoire d'un soldat" est un livret masqué dont il faut tourner les pages sans trop se soucier de leur contenu. Parfois, et c'est rare, le merveilleux opère mais il évoque le plus souvent une succession de vignettes dont on louerait le dessinateur sans pour autant savoir où les apposer.

ANDRE DROSSART.

Auteur André Drossart

Publication Le Soir

Performance(s) "L'Histoire du soldat; Kefka et le cadeau; Kefka et la balle perdue"

Date(s) du 1975-01-29 au 1975-02-01

Artiste(s)

Compagnie / Organisation La Compagnie Milan Sladek