Archives du Théâtre 140

La Libre Belgique

30-1-1975

AU THEATRE 140

La Compagnie Milan Sladek

Ce qui nous a paru positif dans le spectacle de pantomime présenté au Théâtre 140 par la Compagnie de Milan Sladek, c'est le côté bateleur — particulièrement perceptible dans la seconde partie —, c'est l'intuition de la silhouette, c'est le sens du masque et du costume. Ce n'est pas assez pour susciter l'enthousiasme.

Milan Sladek est d'origine chèque, exilé à Cologne où il a ondé une petite Compagnie de pantomime dont l'ambition est de faire sortir le mime du numéro le soliste solitaire — tel aue le consacre brillamment Marcel Marceau, par exemple — pour le lisser au niveau de tout un spectacle. Il a le mérite d'une idée ambitieuse. A voir « L'Histoire du Soldat » — celle que nous raconte Ramuz sur une musique de Strawinsky — mise en scène et en gestes par Milan Sladek, on n'est toutefois pas entièrement convaincu du bonheur de cette idée-là.

C'est qu'il manque à la réalisation proposée une densité et une dimension qui soulèvent de terre. On reste trop à la surface des choses. Là où l'on voudrait voir le geste transcender un texte simple et naïf, on assisse à une superposition de l'image sur la parole. Et bien souvent, même, il y a discordance de l'une à l'autre, comme si l'acteur n'entendait pas ou ne comprenait pas bien le lecteur et se trouvait toujours en retard ou en avance sur lui d'une demi-heure. Il s'ensuit un rythme lent et saccadé, un manque de spontanéité et d'entrain, une lecture trop simpliste que tente de faire oublier une deuxième partie mieux enlevée. Mais, trop tard.

Il faut signaler, toutefois, qu'à l'entracte, Jo Dekmine est intervenu publiquement pour dire qu'il avait convié la compagnie Sladek sur la base d'un spectacle vu en Avignon : « Kafka et le cadeau ». « Sans porter de jugement, a-t-il ajouté, je tiens à préciser que ce qui est joué, ici, ce soir, est tout autre chose ».

On peut donc légitimement penser que « L'Histoire du Soldat » n'est qu'un faux pas et qu'à partir de ce jeudi, l'équilibre sera rétabli. L'affiche du 140 annonce, en effet, pour 30 et 31 janvier, ainsi que le 1er février, en soirée « Kafka et le cadeau », pour le 1er février, une matinée destinée aux enfants « Kafka et la balle perdue ». Ces titres-là reviennent d'Avignon. Une garantie, peut-être. Une promesse sûrement.

M. V.