Archives du Théâtre 140


Miroir de l'inconscient, 'Le prince travesti'



THEATRE 140

service de presse saison 74/75

avant première / LE PRINCE TRAVESTI

Au THEATRE 140

du 20 février au 1er mars à 20h30

MIROIR DE L'INCONSCIENT

"LE PRINCE TRAVESTI"

de Marivaux

par le Théâtre du Miroir (Dir. Daniel Mesguich/paris)

C'EST AUSSI LE MARIVAUX DE LA VIOLENCE

Pourquoi utiliser cette terminologie d'aujourd'hui à propos d'un auteur de théâtre du l8ème siècle dont on n'a retenu longtemps que les élégances de langage?.. Emprisonné dans les pastels de Watteau, dans les soies et le cristal, perle de culture du théâtre traditionnel français… dont Voltaire stigmatisait les sophistications?

Est-ce vraiment le même Marivaux qu'ont "monté" le Théâtre Populaire Roman, Rosner et son Théâtre du Lambrequin, Patrice Chéreau au T.N.P., le Théâtre Mobile à Bruxelles, et, voilà un an, Daniel Mesguich au Palace de la rue Montmartre, maintenant au 140?

Un théâtre révolutionnaire

"Des reflets dans un miroir, voilà la littérature marivaudienne" écrit Georges Poulet.

Mais il y a miroir et miroir.

Les deux dernières visions "contemporaines" de Marivaux, les plus régulièrement confrontées, sont celles de "La Dispute" par Patrice Chéreau et du "Prince Travesti" par Daniel Mesguich.

Subitement nous apparaissaient vieux ou presque le musée surréaliste d'Ubu, les drôleries insolites de Ionesco, le théâtre littéraire de Giraudoux.

Marivaux devenait essentiel, arraché à son rôle historique, celui d'étape d'une culture passéiste et référentielle.

Inconnu du public parisien avant ce spectacle, le Théâtre du Miroir à

Paris fait éclater Marivaux d'une manière intériorisée, en profondeur, qui le signale à l'attention de tous.

Le décor est constitué de quelques mètres de velours noir, dans quoi s'encastrent deux hauts rectangles de verre fumé, où les acteurs ne se reflètent qu'à peine, mais à travers lesquels ils apparaissent visiblement, lorsqu'ils sont derrière, présents quoique absents.

Les ondes noires du velours n'enfermant pas vraiment l'espace et mettent plutôt le gouffre à portée de la main, à la manière de la nuit, c'est un volume indéfini qui, dès le premier plein feu, se trouve entièrement envahi par un assez petit nombre de personnages aux couleurs vives, aux gestes discontinus, qui sont en fait les seuls éléments réels du décor de ce théâtre, oui en sont les accidents, qui en sont aussi les bornes, car ce sont presque toujours ces personnages qui, aux quatre points cardinaux, marqueront les limites de l'action, limites fugitives, irréelles.

Le texte du "Prince Travesti" refuse constamment de tourner à régime normal, alterne les trous et les chocs et organise une illusion de dialogue en ne prenant la parole que sur un pied de rupture, de méprise, ou d'accords parfaits intimement confondus.

C'est de ce théâtre dont parle Michel Cournot dans "Le Monde", annonçant à travers la représentation du "Prince Travesti" un virage du théâtre contemporain :

"Dans la vie du théâtre en France, voici l'événement de l'année. Ce Prince Travesti de Marivaux, monté par une nouvelle compagnie, celle de Daniel Mesguich, est ce que nous avons vu de plus neuf, de plus fort, de plus beau. Et ce n'est pas tout ; si surpris que l'on soit par cet événement, on en prévoit les conséquences. Il est clair en effet que cette compagnie Daniel Mesguich n'en est ici qu'à ses débuts, qu'elle est porteuse de merveilles, et que chacune de ses créations modifiera, dans son domaine, l'ordre des choses. Il est clair aussi que l'apport inattendu de Daniel Mesguich, qui implique une pratique nouvelle de l'art du théâtre, va dévier et régénérer l'action des autres compagnies."

"Derrière Marivaux le précieux, l'autre Marivaux. Derrière ou plutôt dans les arabesques du langage, l'impétueuse tension du désir : Voilà ce que nous révèle Daniel Mesguich mettant en scène (à 21 ans) "Le Prince Travesti", avec le Théâtre du Miroir.

Bouleversante révélation, qui sans tricher une seule fois avec le texte, fait d'un écrivain du dix-huitième, réputé mondain, notre contemporain, notre proche. Et il ne s'agit pas d'un rhabillage de l'oeuvre, d'un plaquage moderniste pour adaptateur en mal d'inspiration : ce Marivaux que nous découvrons, nous le reconnaissons en même temps; il y a en quelque sorte, toujours été présent." (Françoise Collin, nous citons)

Le texte et la voix

Le langage a toujours constitué l'élément dominant du théâtre français, identifié d'ailleurs curieusement à un "art littéraire" et impliquant un "art de dire" transmis de génération en génération dans les conservatoires.

Des entreprises comme celle de Mesguich nous contraignent à nous interroger sur la notion d' "interprétation".

Nous savons désormais en effet, que le texte n'est pas un objet immuable, doté d'une signification unique et d'une articulation fixe. Tout texte est polyvalent, et la mise en scène fonctionne comme une lecture, ou plus exactement encore comme une traduction. Les interprétations décoratives - celles qui nous sont trop souvent proposées - ignorent cette vérité. Rendu à sa matérialité par Mesguich (ou d'autres) le texte de Marivaux engendre de nouvelles voix. Voix placées ailleurs, voix de la tête, de la bouche, de la gorge, du ventre, qui réincorporent le français épuré par l'académisme exquis du style "Comédie Française". Personne, pas même Chéreau peut-être, n'avait su faire surgir avec une telle intensité, du chassé-croisé mondain que nos manuels nomment "marivaudage", ce qui s'y cache : le cri du désir.

Les habits de cour ne sont ici que des ajustements - satins et velours de dérision - dont le corps à chaque moment se dégage. Les roucoulements s'interrompent en hoquets, en rires.

La pièce

"Dans "Le Prince Travesti", deux femmes, la princesse et son amie Hortense aiment le même homme, Lelio, qui sous ses apparences de ministre cache une origine princière. Mais Lelio aime Hortense. Et la puissance de la princesse est finalement vaine devant cette évidence; elle épousera donc un autre prince, déguisé en ambassadeur.

C'est ce double désir dont deux femmes sont sujettes mais non pas maîtresses (et Lelio non plus n'en est pas maître) qui rythme l'oeuvre dans la mise en scène de Mesguich. Hoquetante, ou cherchant le ton dans la répétition de leurs tirades, elles s'affrontent et se conjuguent.

La princesse est jouée par trois comédiennes à la fois, tant son pouvoir est grand sur la vie de ses subordonnés.

Dans les marges, Arlequin poursuit Lisette. Au milieu de ce chassé-croisé, un seul triste sire, un seul vilain, celui qui court de l'un à l'autre, éperdu d'ambition, Frédéric. Acharné à avoir, il n'aura rien. Et Mesguich nous le montre trépignant comme un gamin qui retourne sa rage contre soi. Mis à nu, il reste le seul habillé dans sa peau cireuse. Son corps n'est pas un corps. Tandis que ceux des autres transparaissent jusqu'à l'éclat dans leurs habits désordonnés.

Irrespectueux donc, frondeur, ou même franchement subversif, voilà une image de Marivaux qui s'accorderait assez à la biographie d'un homme qui fut, dit-on, pauvre et besogneux, et dont l'esprit critique et la révolte éclatent en maints endroits."

Marivaux et la dimension politique ; Miroir de la société

"Ce n'est plus un personnage de comédie, c'est Marivaux lui-même, Marivaux journaliste, qui déclare en propres termes, soixante ans avant Marat: "Je vois de ma fenêtre un homme qui passe dans la rue et dont l'habit, si on le vendait, pourrait marier une demi-douzaine d'orphelines. Voilà un vrai gibier pour un chasseur de mon espèce. Ah! que j'aurais plaisir à tirer dessus, du grenier où je suis!" (L'Indigent philosophe)" (Henri Guillemin, Introduction au Théâtre choisi de Marivaux.)

Rappelons dans cette optique "La Double Inconstance" montée par le Théâtre Mobile. Marc Liebens se servira de Marivaux comme d'un matériau aux fins d'une démonstration politique. Il "regarde" la pièce en journaliste, du dehors.

Le miroir du vide

C'est une autre vision de Marivaux encore que Patrice Chéreau donna de "La Dispute" au T.N.P. en 1973.

Comme Maurice Béjart a vulgarisé le ballet contemporain, Chéreau a rendu flagrante la révolution Marivaux par un certain mépris de la lettre, attentif à traduire ses propres fantasmes, ce que permettaient les riche ses ésotériques de la pièce.

Le surréalisme, les climats suggérés, la nuit, l'aube, ombres portées de personnages, les hauts murs…

La démarche est beaucoup plus formelle que celle de Mesguich, mais elle aura polarisé l'attention du public sur le nouveau visage de Marivaux.

Le journal "Elle" écrit:

"Ce prince-là vous obsédera encore longtemps."

Le "Nouvel Observateur" proclame :

"Ils nous ont donné une leçon de théâtre"

Au THEATRE 140

du 20 février au 1er mars à 20h30

LE PRINCE TRAVESTI par le Théâtre du Miroir

Location : T. 734.46.31 (tous les jours de 12 à l8h)

Prix des places:

- groupes d'étudiants (à partir de dix) : Frs 75- la place (le professeur les accompagnant est invité)

- prix normal des places de Frs 120- à 360- (moins de 25 ans : 30% de réduction)

Auteur

Publication [persbrochure]

Performance(s) Le prince travesti

Date(s) du 1975-02-20 au 1975-03-01

Artiste(s) Marivaux

Compagnie / Organisation Théâtre du Miroir